Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il désirait se rendre en Judée pour y suivre l’enseignement des docteurs de la Galilée. Mais, sachant que Juda blâmait vivement l’émigration en Palestine, il n’osait pas réaliser son vœu. Un jour, cependant, entraîné par sa passion de visiter la Terre Sainte, il quitta la Babylonie presque secrètement. Arrivé sur les bords du Jourdain, il n’eut pas la patience de chercher un pont pour traverser ce fleuve, et il gagna l’autre rive sur une corde. Un chrétien, témoin de cet acte, dit à Zeïra : « Vous, Judéens, vous ne vous êtes pas encore corrigés de cette dangereuse précipitation dont vous avez déjà donné une preuve au pied du mont Sinaï. » — « Puis-je retarder d’un seul instant, lui répondit Zeïra, mon entrée dans la Terre Sainte, où Moïse et Aron eux-mêmes n’ont pas pu pénétrer ! » Dès son arrivée à Tibériade, il essaya de se corriger de l’habitude, chère aux écoles babyloniennes, de raisonner à outrance sur toutes les questions ; d’après la légende, il jeûna pendant quarante jours afin que Dieu l’aidât à oublier totalement la méthode babylonienne. Mais cette méthode avait agi si profondément sur son esprit que, malgré lui et à son insu, il déployait dans les controverses les qualités caractéristiques des écoles de la Babylonie, et ce furent précisément sa finesse et sa subtilité qui lui assurèrent un des premiers rangs parmi les savants de la Judée. On voulut l’élever au grade de docteur : il chercha d’abord, par modestie, à se soustraire à cet honneur, et il ne l’accepta que lorsqu’on lui eut persuadé que les charges honorifiques rachètent les péchés. Malgré sa prédilection pour les écoles de la Palestine, Zéïra blâma vivement les prédicateurs ou aggadistes palestiniens de ce temps, qui avaient pris l’habitude d’appliquer, dans leurs prédications, certains passages de la Bible à la situation du moment et d’en travestir ainsi le sens réel, et il qualifia les principaux représentants de ce système, Levi et Abba bar Kahana, de sorciers. Il ne devint pas moins, à côté de ses collègues Ami, Assi et Abbabu, une des autorités religieuses de la Judée. Il survécut à ces docteurs. À sa mort, un poète composa sur lui l’élégie suivante : « La Babylonie lui a donné le jour, il a acquis la sagesse dans la Terre Sainte, Tibériade gémit et se lamente, elle a perdu son joyau. »