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à l’occasion, à ses collègues que lui seul avait le droit de rendre la justice. Contrairement à l’usage, il siégeait seul, sans assesseurs, au tribunal. Son caractère était hautain et violent. Un jour, une vieille femme vint se plaindre auprès de lui des esclaves de l’exilarque, qui lui avaient volé des matériaux de construction pour élever une succa (cabane). Nahman l’écouta à peine : « Je descends d’un homme, dit-elle alors malicieusement, qui posséda 318 esclaves (Abraham), et tu ne daignes pas prêter l’oreille à ma réclamation ! » Nahman l’apostropha rudement et décida qu’elle n’avait droit qu’à être dédommagée de la valeur des matériaux qui lui avaient été pris. — Sa femme, Yalta, était encore plus orgueilleuse et plus arrogante que lui, elle avait l’humeur changeante et capricieuse d’une princesse orientale. Elle exigeait que tous les savants juifs qui rendaient visite à Nahman lui présentassent leurs hommages ; l’un d’eux, Ulla, ayant refusé de le faire, elle l’insulta. Comme ce docteur se rendait souvent de la Palestine en Babylonie, et qu’il était sans doute pauvre, elle lui dit : « Les voyageurs sont des bavards, et les gueux, des pouilleux. »

Nahman introduisit dans le droit juif une réforme très utile. Autrefois, lorsqu’une personne déclarait ne pas devoir l’argent qui lui était réclamé, elle ne pouvait être condamnée à affirmer son dire par serment que dans le cas où elle reconnaissait devoir au moins une partie de la somme réclamée ; la contestation portait-elle sur la somme tout entière, l’accusé était dispensé du serment. Les anciens croyaient, en effet, dans leur honnête et loyale simplicité, qu’aucun débiteur n’aurait l’audace de nier totalement ce qu’il devait. L’application de ce principe étant devenue un encouragement au vol, Nahman décida que dans tous les cas, qu’il niât une partie seulement ou la totalité de la somme réclamée, l’accusé serait obligé d’affirmer sa déclaration par serment.

Un autre amora, Zeïra, forma en quelque sorte un trait d’union entre la Judée en décadence et le judaïsme babylonien, qui était alors à son essor ; il personnifia plus que tout autre le contraste si vif qui existait entre les Judéens de la mère patrie et ceux de la colonie babylonienne. Cet amora fréquenta, les écoles de Huna et de Juda ben Yehesquêl. Peu satisfait de la méthode babylonienne,