Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/22

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ple, en rixes sanglantes, et que la guerre seule avait arrêtées, ces discussions recommencèrent avec un caractère de gravité d’autant plus grande que le centre de la nationalité judaïque avait disparu. Le dissentiment des écoles au sujet de quelques points de doctrine produisait de graves dissidences dans la pratique. Un docteur permettait ce qui était défendu par l’autre, on faisait ici ce qui était considéré autre part comme un péché. Le judaïsme semblait être régi par deux doctrines différentes, ou, selon l’expression talmudique, « de la Thora, unique d’abord, on en avait fait deux. » Ces dissidences s’étendaient aux sujets les plus graves, comme les questions relatives au mariage, et pouvaient avoir de funestes conséquences. Les anciens disciples des deux écoles, inspirés par le désir de vivre ensemble en paix, on pressés par la nécessité de s’unir contre l’ennemi du dehors, avaient su se faire des concessions mutuelles, mais avec les nouveaux disciples les vieilles querelles se réveillèrent plus vives et plus ardentes que jamais. Rabban Gamaliel s’imposa la tâche d’apaiser ces dangereuses querelles, de maintenir l’unité du judaïsme si gravement compromise, et de prendre des mesures pour la protéger contre de nouveaux assauts. Il ne craignit pas, pour atteindre son but, de s’attaquer même à ses collègues et à ses amis.

La vie privée de Rabban Gamaliel est peu connue ; toutefois les rares informations que l’histoire nous a transmises sur ce docteur attestent la haute moralité de son caractère et l’élévation de ses sentiments. Il possédait des terres qu’il avait louées à des fermiers à la condition de recevoir comme redevance une part de la récolte. Il fournissait à ces fermiers les semences, et il ne se les faisait payer qu’au prix le plus bas de l’année. Il témoignait une profonde affection à son esclave favori Tabi qu’il aurait volontiers affranchi, si la loi le lui avait permis. Quand Tabi mourut, il accueillit comme pour la perte d’un parent les condoléances qui lui étaient adressées.

Gamaliel paraît avoir possédé quelques connaissances mathématiques ; il se servait déjà du télescope. Sur les murs de sa chambre étaient tracées les phases de la lune, et il utilisait ces figures pour contrôler les assertions des témoins qui venaient l’informer de l’apparition de la nouvelle lune. Du reste, il se réglait