reuses et élevées à côté de sentiments exclusifs et étroits, des remarques profondes à côté d’observations oiseuses, des conceptions remarquables à côté d’absurdités, des idées juives à côté de superstitions païennes. Le plus souvent, les paroles d’intolérance enregistrées par le Talmud, et relevées avec une satisfaction haineuse par les adversaires des Juifs, ne sont que l’expression d’une colère passagère, arrachées par le désespoir à quelque docteur et que des disciples trop zélés ont pieusement conservées. Mais, si le Talmud rapporte les cris de vengeance échappés à de malheureux opprimés, il contient aussi les plus généreuses sentences de morale et charité, il enseigne l’amour que l’homme doit à l’homme, sans distinction d’origine et de religion.
Le Talmud de Babylone se distingue de celui de Jérusalem par une argumentation plus serrée, une pénétration plus vive et des aperçus plus profonds. Les idées originales y abondent, elles n’y sont souvent présentées qu’à l’état d’ébauche et de façon à obliger l’esprit à la réflexion. En étudiant de près le Talmud, on pénètre jusqu’au sous-sol de la pensée, on assiste à son éclosion, on suit son développement jusque dans ses ramifications les plus fines et les plus ténues, on monte jusqu’à ces hauteurs vertigineuses où l’esprit ne peut plus la saisir. Pour ces diverses raisons, le Talmud de Babylone éclipsa totalement le Talmud de Jérusalem et devint le livre par excellence, la propriété exclusive et en quelque sorte l’âme de la nation juive. Les générations suivantes en firent leur principal, leur unique aliment intellectuel, les penseurs se plaisant à approfondir son argumentation, et les hommes de cœur admirant sa morale élevée. Pendant plus de dix siècles, les Juifs restèrent indifférents au monde extérieur, à la nature, aux hommes et aux événements, ils n’y voyaient que des incidents insignifiants, de simples fantômes, la seule réalité pour eux était le Talmud, ils ne considéraient comme vrai que ce qui avait sa sanction, ils ne connaissaient la Bible, l’histoire de leurs aïeux, l’éloquence passionnée et les paroles consolatrices de leurs prophètes, les effusions ardentes de leurs Psalmistes que par le Talmud. Mais, comme le judaïsme a sa racine dans le monde réel et que le Talmud a dû s’occuper nécessairement de questions concrètes, de faits de ce monde-ci, ces idées mystiques, ce dédain du monde, cette haine