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flotte considérable, à laquelle vinrent se joindre plusieurs vaisseaux byzantins que le collègue de Justin Ier, Justinien, amena d’Égypte, et une armée nombreuse traversa la mer Rouge pour pénétrer dans le Yémen. Dhou-Nowas essaya de s’opposer à la marche des envahisseurs. Mais, que pouvaient ses faibles troupes contre les nombreuses légions du roi d’Éthiopie ? À la première rencontre, Dhou-Nowas fut battu, et la ville de Zafara (Thafar) tomba au pouvoir de l’ennemi avec les trésors et la femme du chef himyarite. Quand il se vit perdu, Dhou-Nowas se précipita du haut d’un rocher dans la mer (vers 530). Les Éthiopiens mirent tout à feu et à sang, ils pillèrent, tuèrent et emmenèrent les survivants comme prisonniers ; les Juifs surtout eurent à subir la fureur du vainqueur, des milliers d’entre eux furent massacrés, en expiation de la mort des prétendus martyrs de Nedjran. Telle fut la fin du royaume judéo-himyarite, qui, comme on voit, n’eut qu’une durée éphémère.

Vers la même époque, éclatèrent les dissensions entre les Juifs de Yathrib et leurs concitoyens arabes. Les tribus juives de Yathrib, soutenues par le roi himyarite, suzerain de toute la région, avaient la prépondérance sur les tribus pagano-arabes. Ces dernières supportaient cette domination qu’avec impatience, et elles profitèrent des embarras du roi himyarite pour se rendre indépendantes des Juifs. Voici comment elles s’y prirent. Un chef arabe, Harith ibn Abou-Schammir, de la tribu de Ghassan, qui avait accepté du service à la cour de Byzance, fut invité à venir à Yathrib avec ses troupes ; il y consentit. Pour ne pas donner l’éveil aux juifs, il leur fit accroire qu’il se disposait à se rendre dans le royaume himyarite. Il établit son camp de Yathrib et invita les chefs juifs à venir l’y trouver. Dans l’espoir que Harith, selon l’usage, leur offrirait des présents, quelques-uns d’entre eux acceptèrent son invitation, il les fit massacrer à mesure qu’ils entraient dans sa tente. « Je vous ai délivrés, dit-il alors aux Arabes de Yathrib, d’une grande partie de vos ennemis, avec de la vigueur et du courage, il vous sera facile de rendre maître des autres. » Puis il partit. Les Arabes n’eurent pas le courage d’attaquer ouvertement les chefs juifs ; un jour, ils les invitèrent à un repas et les tuèrent. Les tribus juives, soumises ainsi à l’auto-