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rité des Arabes, ne supportèrent d’abord que difficilement cette humiliation. Mais, l’impuissance contre leurs nouveaux maîtres par suite de la perte de leurs chefs, elles se résignèrent peu à peu à leur sort et demandèrent elles-mêmes la protection des tribus arabes. C’est ainsi que les juifs de Yathrib devinrent les clients (Mawali) des Aus et des Khazradj.

À son retour de Yathrib, le prince ghassanide Harith ibn Abou-Schammir attaqua un poète juif qui s’acquit, à cette occasion, parmi les Arabes, une très grande renommée. Samuel ibn-Adiya (né vers 500 et mort vers 580), d’un caractère très chevaleresque, était l’ami intime du plus grand poète arabe des temps préislamiques, et, grâce à cette intimité, il est devenu immortel. D’après les uns, il était d’origine païenne, de la tribu des Ghassanides ; d’autres prétendent qu’il eut une mère arabe et un père juif. Son père Adiya demeurait d’abord à Yathrib ; plus tard il construisit, aux environs de Taïma, un château fort que ses couleurs variées firent surnommer Alablak et qui a été immortalisé par la poésie arabe. Samuel, chef d’une petite tribu, jouissait d’une telle considération dans le Hédjaz que même des tribus arabes, trop faibles pour se défendre, se plaçaient sous sa protection ; il offrait un asile dans son château fort à tous les persécutés. Un jour, l’aventureux prince kendite, le roi des poètes arabes, Imroulcaïs, entouré partout d’ennemis, vint également chercher un refuge à Alablak, et, après y avoir reçu l’hospitalité, s’éloigna, laissant en dépôt à Samuel sa fille, son cousin, cinq magnifiques cottes de mailles et d’autres armures. Quand le chef des Ghassanides arriva dans le Hédjaz, il se présenta devant le château de Samuel et réclama les armes d’Imroulcaïs. Sur le refus du châtelain, il assiégea le fort. Voyant que le siège traînerait en longueur, il eut recours à un autre moyen pour obtenir ce qu’il désirait. Il s’était emparé d’un enfant de Samuel, que sa nourrice avait emmené hors du fort, et il menaçait de le mettre à mort si on ne lui livrait pas ces armes. « Fais comme il te plaira, répondit le père, la trahison est un carcan qui jamais ne se rouille, et mon fils a des frères. » Le barbare, insensible à tant de grandeur d’âme, tua l’enfant sous les yeux du père, mais il ne put s’emparer du fort. « Plus fidèle que Samuel, » devint une expression proverbiale parmi les Arabes,