Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/31

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quinze jours, et le second pendant les huit jours suivants. Telle fut l’issue de cette lutte si vive dont l’origine n’avait été ni l’ambition, ni l’orgueil, mais une fausse interprétation des droits du patriarcat. On oublia bien vite ces dissidences, et, à partir de ce moment, Gamaliel vécut en parfait accord avec les membres du Synhédrin. Il est possible que la gravité de la situation politique, sous Domitien, ait détourné l’attention des docteurs des événements intérieurs et fait sentir à tous l’impérieuse nécessité de s’unir étroitement contre les dangers du dehors.

Gamaliel représentait, dans le Synhédrin, le principe d’unité et d’autorité ; il voulait que l’existence nationale et religieuse des Judéens fût dirigée d’après des règles figes et immuables. Son beau-frère, Éliézer ben Hyrkanos, représentait, au contraire, le principe de la liberté individuelle s’affirmant avec force devant cette tendance à tout soumettre à des lois communes. Dès sa jeunesse, Éliézer s’était appliqué à comprendre et à graver dans sa mémoire toutes les halakot existantes, afin que, selon sa propre expression, il ne s’en perdît pas un grain. Son maître, Johanan, l’avait appelé « une citerne cimentée d’où ne s’échappe pas la moindre gouttelette. » Aussi la mémoire a-t-elle toujours joué un rôle prépondérant dans l’enseignement d’Éliézer. Ce docteur avait établi son école à Lydda (Diospolis), dans un ancien cirque. À toutes les questions qui lui étaient adressées sur un point quelconque de la législation, il répondait qu’il avait reçu sur ce sujet telle tradition de ses maîtres, ou il avouait que faute de tradition sur ce point il ne pouvait pas le résoudre. Un jour qu’il s’était arrêté à Césarée Philippi, on le consulta sur trente points de casuistique ; il répondit qu’il possédait des traditions sur douze de ces cas, mais qu’il ne savait rien au sujet des dix-huit autres. On lui demanda un jour s’il n’enseignait que ce que lui avaient appris ses maîtres ; il répondit : « Vous m’obligez à vous donner une réponse que je n’ai pas reçue par la tradition ; sachez donc que je n’ai jamais enseigné que ce que m’ont transmis mes maîtres. » À des questions importantes qu’il ne savait pas résoudre, il répondait par d’autres questions ; il indiquait par là qu’il voulait éviter toute explication. Un autre jour, on lui demanda s’il était permis, après la chute du