Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temple, de blanchir sa maison à la chaux. Fidèle à son habitude de ne prononcer aucune décision qui ne fût traditionnelle, il répliqua en demandant s’il était permis de blanchir un sépulcre. Aux déductions les plus logiques il opposait ces seuls mots : « Je n’ai pas entendu cela. » C’est en s’inspirant du principe de ne rien décider par simple déduction qu’il a exprimé devant ses disciples cette sentence : « Empêchez vos enfants de creuser trop profondément le texte (Higgayon), élevez-les parmi les docteurs. »

Ainsi, Éliézer était le représentant du principe conservateur, l’organe fidèle de la tradition ; il rapportait les halakot, sans y rien modifier, telles qu’il les avait entendues de la bouche de ses maîtres, il était la citerne cimentée qui ne laisse pas échapper une seule goutte de l’eau qu’elle contient, mais où il n’en entre pas une goutte du dehors. Les contemporains et la postérité l’ont surnommé Sinaï, indiquant par là qu’il était en quelque sorte un recueil vivant de prescriptions immuables. Il jouissait d’une autorité considérable auprès des docteurs de son époque, qui ne voulaient cependant pas se borner, comme lui, à rapporter les traditions reçues. Pénétrés des doctrines de Hillel, ils estimaient qu’il était non seulement nécessaire de conserver mais aussi d’interpréter et de développer la Loi. Éliézer dirigeait son enseignement d’après des principes qui étaient en opposition formelle avec l’esprit du temps ; entre lui et ses collègues devait donc forcément éclater un jour un conflit. Comme nous l’avons déjà dit, il existait surtout une sorte d’antagonisme entre Éliézer et son beau-frère Gamaliel ; d’un côté, le principe de l’autorité, soutenu par une volonté énergique prête à briser toute résistance aux décisions adoptées, de l’autre, une conviction profonde appuyée sur les traditions du passé. C’étaient là deux éléments absolument irréconciliables ! Éliézer, comme Gamaliel, persistait avec opiniâtreté dans ses opinions, et il était de caractère trop tenace pour les sacrifier à l’autorité d’autrui. Dans une discussion mémorable, son opposition à une résolution du Synhédrin fut si vive que le patriarche dut l’excommunier. Ses collègues, qui l’estimaient et le respectaient, hésitaient à lui signifier l’excommunication ; ce fut Akiba qui se chargea de cette pénible mission. Il se présenta