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maudit. Ses enfants étaient exclus de l’école et sa femme de la synagogue ; on ne pouvait ni enterrer ses morts, ni même circoncire ses enfants. Quelque rigoureux que fût ce châtiment, il était nécessaire de l’appliquer à une époque où il n’était pas possible d’agir sur la foule par le raisonnement ou la persuasion, pour maintenir l’unité religieuse et assurer le triomphe de la loi.

Tout en étant soumis aux caprices des gouverneurs musulmans et quelquefois à l’arbitraire des exilarques eux-mêmes, le judaïsme babylonien apparaissait au loin sous les plus brillantes couleurs. Les Juifs de tous les pays voyaient dans l’institution de l’exilarcat le rétablissement de la dynastie royale de David et dans le gaonat la résurrection des écoles talmudiques. À mesure que les khalifes de la famille des Omayyades étendaient leurs conquêtes, au nord, jusqu’à la Transoxanie, à l’est, jusqu’aux Indes, à l’ouest et au sud, jusqu’à l’Afrique et aux Pyrénées, de nouvelles communautés juives venaient se placer sous l’autorité de l’exilarque et des gaonim. La Palestine elle-même se subordonna à la Babylonie. Les regards de tous les Juifs étaient tournés vers l’heureuse région où régnait un prince juif, le prince de l’exil, on se consolait de la destruction du temple et de la dispersion par la pensée que, près des fleuves de Babel, dans ce coin mystérieux où s’était établie la partie la plus active et la plus vaillante de la nation juive, où avaient vécu les illustres amoraïm, fleurissait un État juif. « Dieu, se racontait-on, a fait fonder les écoles de Sora et de Pumbadita douze ans avant que Nabuchodonosor n’incendiât le temple de Jérusalem, il les a couvertes tout spécialement de sa protection, elles n’ont jamais été persécutées ni par Rome, ni par Byzance, n’ont jamais été ni opprimées ni asservies. La délivrance d’Israël viendra de la Babylonie, et les habitants juifs de cette contrée privilégiée seront préservés des maux de l’époque messianique. » L’attachement des Juifs du dehors pour la Babylonie était si profond, qu’ils demandaient comme un suprême honneur que leur souvenir fût rappelé, après leur mort, à une cérémonie funèbre que célébreraient les deux académies. Pour donner satisfaction au désir qui lui en était exprimé de toutes parts, le Collège décida de consacrer deux jours par an, pendant ses sessions, à prier pour l’âme des bienfaiteurs des écoles.