Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/33

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devant Éliézer, habillé de noir, et, craignant de lui annoncer la triste nouvelle, il lui dit : « Tes collègues paraissent se tenir éloignés de toi. » Éliézer comprit à demi-mot, il accepta ce douloureux châtiment avec résignation, et, à partir de ce moment, il vécut à l’écart de ses amis. Il ne prit presque plus part aux discussions de l’école de Jabné. S’il apprenait qu’une décision importante avait été prise, il s’en moquait ou la confirmait en citant à l’appui quelque halaka qu’il connaissait par tradition.

Malgré sa fortune considérable, Éliézer passa ses dernières années dans la tristesse, sans exercer aucune action sur ses contemporains, ni contribuer au développement de l’enseignement. Devenu, par la direction de son esprit, le dépositaire des lois traditionnelles, il n’avait aucune influence sur les délibérations de ses collègues, et sa vie fut, comme sa doctrine, solitaire et sans éclat. Son existence sombre et morose lui inspira cette sentence remarquable, qui offre un si vif contraste avec les principes de ses contemporains : « Chauffe-toi au feu des sages, mais prends garde de t’y brûler, leur morsure est comme celle du chacal, leur piqûre comme celle du scorpion, leur sifflement comme celui de la vipère, et toutes leurs paroles sont comme des charbons ardents. » Ce sont là des réflexions d’un esprit qui a été profondément éprouvé par les amertumes de l’existence et qui, malgré lui, est forcé de rendre justice à ceux qui l’ont si péniblement affligé.

Le caractère de Josua ben Hanania forme un frappant contraste avec l’obstination et la ténacité d’Éliézer et l’esprit autoritaire de Gamaliel ; il était docile, souple et représentait dans la nouvelle école l’élément de sagesse et de conciliation. Il gardait les docteurs et le peuple contre les entraînements de l’exclusivisme et de l’exagération, il favorisa ainsi les progrès de l’enseignement et devint le bienfaiteur de sa nation. Il avait fait partie, comme lévite, du chœur du temple, et avait encore assisté aux cérémonies pompeuses célébrées dans le sanctuaire. Lorsque les murs de Jérusalem furent tombés, il quitta cette ville avec son maître et, à la mort de ce dernier, fonda une école à Bekiin. Là, il enseignait au milieu de nombreux disciples, et, pour nourrir sa famille, il fabriquait des aiguilles. Appartenant ainsi au groupe des savants et au peuple, Josua cherchait à renverser les barrières qui