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adressées à Dieu et aux anges, à la récitation de certaines litanies appuyée par des jeûnes et une vie ascétique, de faire des miracles. Pour accomplir leurs exploits, ils se servaient d’amulettes et de camées (kamêot) sur lesquels ils inscrivaient, au milieu de figures fantastiques, le nom de Dieu et des noms d’anges. Selon eux, tout homme pieux peut faire des miracles, pourvu qu’il sache employer les moyens nécessaires ; ils indiquaient ces moyens dans une foule d’écrits sur l’enseignement secret théorique et pratique, remplis, pour la plupart, d’extravagances, mais quelquefois animés d’un souffle vraiment poétique. On n’y trouve cependant que des indications vagues ; la vraie clef pour entrer dans le palais de Dieu et opérer des miracles n’est livrée qu’aux adeptes que les lignes de leur front et de leurs mains désignent comme dignes de posséder le secret magique.

Ce fut surtout en Palestine que ces élucubrations mystiques reçurent un chaleureux accueil, mais elles se répandirent également en Babylonie et y conquirent même une grande considération. Ainsi, quand, en 814, il devint nécessaire de nommer un chef pour l’école de Pumbadita, au lieu d’élever à cette dignité un Mar-Ahron (ben Samuel ?), homme savant qui avait exercé la fonction de président de tribunal, on en investit un vieillard, Joseph bar Abba, dont le principal mérite consistait dans son mysticisme et ses prétendues relations avec le prophète Élie. Un jour que ce Joseph bar Abba présidait une réunion publique, il s’écria soudainement : « Faites place à l’ancien, qui entre ! » Les regards de tous les assistants se dirigèrent vers la porte, et ceux qui étaient assis à la droite du chef d’école s’écartèrent de lui avec respect pour faire place au nouveau venu. Par cela même qu’on ne vit entrer personne, tous furent fermement convaincus que le prophète Élie venait de pénétrer au milieu d’eux pour assister, invisible, à la droite de Joseph, à la conférence religieuse, et depuis ce moment, l’usage prévalut de ne plus occuper, à l’école de Pumbadita, la place qui avait été sanctifiée par la présence d’Élie. Le successeur de Joseph, Mar-Abraham ben Scherira (816-828), était également un mystique. On raconte de lui que, les jours où il n’y avait pas de vent, il savait deviner l’avenir d’après le bruissement des palmiers.