Le mysticisme n’exerça pas seul son action sur les écoles juives, on y rencontre aussi l’esprit réformateur et même les idées caraïtes, et ces tendances si opposées provoquèrent souvent parmi les savants des froissements et des querelles. En 825 eut lieu l’élection d’un nouvel exilarque. Deux prétendants se disputaient cette dignité, David ben Jehuda et Daniel. La candidature de ce dernier, qui penchait vers le caraïsme, fut chaudement soutenue dans le sud de la Babylonie ; au nord, où se trouvait Pumbadita, on était au contraire partisan de l’orthodoxe David. La lutte était vive, elle amena la destitution d’Abraham ben Scherira et son remplacement par Joseph ben Hiyya. Mais Abraham avait de nombreux amis à Pumbadita, qui refusèrent de reconnaître l’autorité de son remplaçant. À la fin, on s’adressa au khalife Almamoun pour qu’il décidât entre l’un ou l’autre des prétendants ; le khalife refusa d’intervenir, et, par un décret, il autorisa chaque groupe de dix Juifs à placer à leur tête un chef religieux. L’issue de la lutte n’est pas connue, on sait seulement que David ben Jehuda exerça les fonctions d’exilarque jusque vers 840. À Pumbadita, l’apaisement entre les deux chefs d’école se fit plus lentement ; pour mettre fin à une situation pénible, on décida que les deux gaonim resteraient en fonctions et auraient les mêmes droits, sauf qu’Abraham parlerait seul aux assemblées générales.
Un jour, les deux gaonim de Pumbadita se trouvèrent, à Bagdad, à une réunion solennelle où il fallait prononcer un discours. Bagdad, qui contenait alors une population juive considérable et de nombreuses synagogues, dépendait de l’académie de Pumbadita, et, par conséquent, le chef d’école de cette dernière ville y avait le pas sur son collègue de Sora. Quand, au moment où le discours devait être prononcé, un héraut dit les mots consacrés : « Prêtez l’oreille aux paroles des chefs d’école, » des lamentations et des plaintes se firent entendre de tous côtés au sujet de la discorde existant dans le gaonat de Pumbadita. Fortement ému par cette explosion soudaine de pleurs et de gémissements, Joseph ben Hiyya se leva pour déclarer qu’il se démettait de sa dignité de gaon afin de laisser Abraham seul à la tête de l’école. Celui-ci mourut en 828, et Joseph fut nommé définitivement gaon de Pumbadita (828-833). On ne sait pas exactement quelles causes avaient fait naître