Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/103

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l’âme. Le judaïsme, dit-il, ne prêche ni l’ascétisme ni la retraite du cloître ; il est l’ennemi des sombres méditations et prescrit plutôt une vie active et gaie. Il recommande la modération dans l’étude et les passions, et veut qu’il règne un heureux équilibre dans la vie individuelle comme dans la vie nationale. D’après lui, le vrai juste ne fuit pas le monde, ne hait pas l’existence et ne désire pas la mort sous prétexte de vouloir jouir plus tôt de la béatitude éternelle ; il ne s’interdit même pas les jouissances de la vie, mais reste toujours maître de son corps comme de son âme et évite l’exagération en tout.

Puis Juda Hallévi prouve la supériorité du judaïsme talmudique, non seulement sur le caraïsme, mais aussi sur l’islamisme et le christianisme. L’état d’abaissement dans lequel vivent les Juifs n’est nullement à ses yeux un signe d’infériorité, pas plus que la puissance des chrétiens et des musulmans n’est une preuve en faveur de leur culte. Ce que les hommes considèrent comme méprisable, Dieu l’estime, au contraire, à très haut prix. Du reste, les chrétiens eux-mêmes font valoir, non pas leur pouvoir, mais les humiliations de Jésus, les souffrances et la pauvreté des apôtres et des martyrs. Les mahométans aussi exaltent es compagnons de leur prophète, parce qu’ils ont souffert beaucoup pour lui. Mais, parmi tous les peuples, Israël a souffert le plus, parce qu’il occupe dans l’humanité la place que le cœur occupe dans l’organisme humain. De même que le cœur ressent le plus vivement toutes les douleurs du corps, de même Israël est atteint le plus cruellement par toutes les calamités. Mais, en dépit de ses misères, la nation juive est toujours vivante ; elle ressemble à un malade abandonné par les médecins et qui attend sa guérison d’un miracle. Comme les ossements disséminés dont parle le prophète, Israël sera animé d’un nouveau souffle de vie et reprendra sa vigueur d’autrefois. Dieu a dispersé les descendants de Jacob pour leur faciliter l’accomplissement de la mission dont ils sont chargés ; ils répandent ainsi plus rapidement leurs doctrines parmi les peuples. Quand le grain de blé est déposé dans la terre, il reste caché pendant quelque temps à tous les yeux, se désorganise, est absorbé en apparence par les éléments qui l’entourent, et semble disparaître pour jamais ; mais peu à peu il germe et fleurit,