reprend sa nature originelle et reparaît grandi et développé. Le peuple juif ressemble à ce grain. L’humanité, modifiée par le christianisme et l’islamisme, reconnaîtra un jour la vraie valeur de la nation juive, elle honorera le tronc qui a produit de si fortes branches et se confondra, en quelque sorte, avec le judaïsme le jour où commencera le règne du Messie et où l’arbre produira enfin des fruits.
Personne, avant Juda Hallévi, n’avait encore parlé avec une éloquence si vigoureuse d’Israël et de sa foi. La raison et le sentiment, la philosophie et la poésie se sont prêté un appui mutuel, dans le système de l’écrivain castillan, pour créer un idéal où se concilient dans un harmonieux ensemble les exigences des appétits avec les aspirations supérieures.
Juda Hallévi n’était pas homme à mettre en contradiction ses actes et ses paroles. Une fois convaincu que la langue hébraïque avait un caractère divin et ne devait servir, par conséquent, qu’à exprimer des pensées religieuses, il cessa, de crainte de la profaner, d’écrire des vers hébreux d’après la métrique arabe. Une autre de ses convictions le portait à croire que la Palestine était spécialement favorisé, de la grâce divine et que, même dans sa décadence, elle conservait encore des traces de son ancienne splendeur. Son âme était attirée avec une force invincible vers les ruines sacrées du temple. Il était persuadé que les portes du ciel s’ouvraient à Jérusalem et que c’est dans cette ville seulement qu’il trouverait le vrai repos. Il résolut donc de se rendre en pèlerinage dans la Terre Sainte et d’y terminer ses jours.
Ce désir passionné de voir la Palestine lui inspira une série de chants, appelés Sionides, où l’élévation du sentiment le dispute à la beauté de l’expression, et qui forment la plus magnifique partie de la poésie néo-hébraïque :
Ô cité du monde, si belle dans tes brillants atours,
Du fond de l’Occident j’aspire vers toi de toute mon âme.
Que n’ai-je la rapidité de l’aigle pour voler vers toi
Et mouiller de mes pleurs ta poussière sacrée !
Tel est le thème principal qu’il développe dans ses Sionides, avec des variations infinies. Il y représente le peuple juif tantôt