Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/113

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les excès contre les Juifs se multiplièrent. La populace, se sentant maîtresse du pays, massacra impunément des Juifs sur divers points du territoire (mai 1147).

Ces scènes sauvages eurent leur contrecoup en France. À Carentan (département de la Manche), dans une cour où se trouvaient réunis de nombreux Juifs, il y eut une vraie bataille entre ces derniers et des croisés. La lutte fut longue et acharnée, les pertes furent considérables des deux côtés, mais, à la tin, les Juifs succombèrent sous le nombre. Pas un ne fut épargné. Un tossafiste, Rabbi Péter, périt aussi à cette époque. À Ramerupt, une bande de croisés pénétra le deuxième jour de Pentecôte dans la maison du suant et vertueux tossafiste Jacob Tam, la pilla, déchira un rouleau de la Loi et traîna Jacob Tam dans les champs pour l’y tuer. Il était couvert de blessures et prêt à rendre l’âme, quand vint à passer un chevalier qu’il connaissait. Il implora son secours. Le chevalier consentit à lui venir en aide à la condition de recevoir pour son intervention un beau cheval. Jacob Tam le lui promit et échappa ainsi à la mort (8 mai 1147). Il faut dire cependant qu’en France, il n’y eut pendant la seconde croisade que des désordres locaux.

En Angleterre, où de nombreux Juifs de France s’étaient établis depuis Guillaume le Conquérant, ils n’eurent à subir aucune persécution, parce que le roi Etienne avait pris à cœur de les protéger. Mais en Bohème, cent cinquante environ furent tués par les croisés.

En résumé, la deuxième croisade fut moins désastreuse pour les Juifs que la première, parce que les princes et les hauts dignitaires de l’Église les avaient protégés, et aussi parce que l’empereur d’Allemagne et le roi de France, qui s’étaient anis à la tête des croisés, n’avaient pas accepté dans leurs armées des bandes de brigands et d’assassins, comme l’avaient fait Guillaume le Charpentier et Emicho de Leiningen. Mais, comme on l’a déjà vu plus haut, les Juifs d’Allemagne payèrent chèrement la protection qui leur avait été accordée : elle leur coûta leur liberté ! L’empereur d’Allemagne se considéra dès lors comme le protecteur des Juifs, et ceux-ci, jusque-là libres et indépendants comme les Germains et les Romains, devinrent serfs de la chambre impériale, Kammerànechte. Au commencement, cette qualification indiquait qu’ils