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judaïsme, entreprit un travail qui présentait de nombreuses difficultés. Jusqu’alors, l’étude sérieuse de la Bible était restée le privilège des caraïtes, qui avaient publié de nombreux commentaires sur l’Écriture sainte. Les docteurs rabbanites n’accordaient d’attention qu’au Talmud. Frappé de cette infériorité des rabbanites, Saadia résolut de traduire la Bible en arabe, langue qui était alors comprise par les Juifs depuis l’extrême Occident jusqu’aux Indes ; il accompagna la traduction d’explications plus ou moins longues, selon qu’il le jugeait nécessaire. Par là, il poursuivait un triple but : rendre l’Écriture sainte accessible au peuple ; arrêter le développement du caraïsme qui, par des interprétations spécieuses, cherchait à mettre la tradition en contradiction avec la Bible ; et enfin, réagir contre les divagations des mystiques, qui prenaient à la lettre les anthropomorphismes de la Bible. Convaincu que la loi orale est d’origine divine aussi bien que la loi écrite, et persuadé, d’un autre côté, que ni l’Écriture sainte ai la tradition ne peuvent être en contradiction avec la raison, Saadia admettait que, s’il se rencontrait quand même des contradictions, elles ne pouvaient être qu’apparentes, et par sa traduction comme par son commentaire il s’efforça de les faire disparaître. Pour atteindre le but qu’il poursuivait, il dénaturait souvent le sens des mots. Aussi la traduction de Saadia, malgré l’esprit puissant et original de son auteur, présente-t-elle un défaut capital. Comme elle cherche à mettre la Bible d’accord avec la tradition et les conceptions philosophiques de l’époque, elle fait souvent dire au texte plus et autre chose qu’il ne dit en réalité.

Contrairement à l’habitude des Juifs qui écrivaient en arabe, Saadia transcrivit sa traduction en caractères arabes et non pas en caractères hébreux, pour la rendre accessible aux lecteurs musulmans.

En même temps qu’il traduisait la Bible, Saadia composa également une sorte de grammaire hébraïque en langue arabe et un lexique hébreu, connu sous le titre hébreu d’Iggarôn. Dans ce dernier ouvrage aussi se présentent bien des erreurs de sens et de philologie. Cependant, Saadia a rendu des services importants par ses travaux grammaticaux et exégétiques, parce qu’il a ouvert la voie, chez les rabbanites, à l’étude de la Bible et aux recherches