affectueux. À Londres, il écrivit une sorte de philosophie religieuse ; il y composa, en outre, un autre ouvrage, d’un caractère singulier, précédé d’une introduction intéressante. Il raconte que, dans un songe, une apparition mystérieuse lui a remis une lettre du Sabbat, où ce jour de fête se plaint d’un écrit publié pour démontrer que le repos sabbatique ne doit pas commencer la veille au soir, mais seulement le matin même du samedi. Cette apparition a invité Ibn Ezra à défendre le samedi tel qu’il a toujours été célébré. En se réveillant dans la nuit, il a lu, à la clarté de la lune, les passages coupables qui lui ont été signalés en rêve et qui déclarent, en effet, que le sabbat ne commence pas la veille au soir, mais le matin seulement. Cette opinion, qui excitait tant la Colère d’Ibn Ezra, avait été émise par Raschbam, le petit-fils de Raschi. Je combattrai cette erreur de toutes mes forces, s’écrie Ibn Ezra, afin qu’Israël ne pèche pas contre le Seigneur, et, dans un mouvement de pieuse indignation, il ajoute : Puisse se dessécher la main de celui qui a écrit une telle énormité, et puisse son œil s’obscurcir ! Chose plaisante que de voir un homme aussi hardi dans ses opinions, parfois presque hérétiques, lancer ses foudres contre un pieux talmudiste !
Après un court séjour à Londres, où il aurait pu vivre heureux et tranquille, Ibn Ezra quitta cette ville pour retourner dans le midi de la France. Il conserva sa vigueur d’esprit jusqu’à la fin de ses jours, et ses dernières œuvres ont les mêmes qualités de fraîcheur, de clarté et de précision que ses premières.
Le plus célèbre contemporain d’Ibn Ezra en France fut Jacob Tam, de Ramerupt (né vers 1100 et mort en 1171), le plus jeune des trois petits-fils de Raschi. Bien supérieur, comme talmudiste, à tous les rabbins de son temps et même à ses frères Isaac et Samuel. il joignait une vaste érudition à une remarquable pénétration et à une grande netteté d’esprit. Ce fut surtout Jacob Tain qui fonda l’école des tossafistes. Il n’occupait aucune situation officielle et était simple commerçant, mais il jouissait néanmoins d’une très grande autorité, et sa réputation s’étendait jusqu’en Espagne et en Italie. On sait déjà qu’à l’époque de la seconde croisade, il perdit tous ses biens et faillit. également perdre la vie. C’est pendant ces temps troublés qu’il composa son commentaire