Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/128

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des princes et des grands. À la tête de cette communauté se trouvait alors Schèschét Benveniste, à la fois médecin et philosophe, poète et talmudiste. Comme il connaissait à fond la langue arabe, le roi d’Aragon lui confia plusieurs missions diplomatiques. Comblé d’honneurs et de richesses, il devint le protecteur de ses coreligionnaires. Les poètes célébrèrent l’élévation de ses sentiments et sa générosité. Parmi les Juifs notables de Barcelone, il faut encore mentionner Samuel ibn Hasdaï Hallévi (1165-1216), la source de la sagesse, le profond océan de la pensée, comme l’appelle avec emphase le poète Harizi. Il eut cinq fils, tous très instruits ; l’un d’eux, Abraham ibn Hasdaï, s’est fait connaître dans la littérature juive par le roman en vers Le Prince et le Derviche, et par sa traduction de plusieurs ouvrages philosophiques.

À Tudèle, petite ville située sur l’Èbre et devenue un continuel objet de litige entre les rois d’Aragon et de Navarre, les Juifs jouissaient des mêmes droits que leurs concitoyens musulmans et chrétiens ; pour leur sécurité, ils étaient même autorisés à occuper des châteaux forts. C’est à Tudèle que naquit le célèbre voyageur Benjamin ben Yona, à qui l’histoire des Juifs et aussi l’histoire générale doivent tant d’exactes et intéressantes informations. De 1165 à 1173, il parcourut pour son commerce, ou pour recueillir des renseignements relatifs au Messie, une grande partie de l’Europe méridionale, de l’Asie et de l’Afrique, observant avec beaucoup de sagacité les pays et les cités où il séjournait, et consignant ses remarques dans un ouvrage qui a été traduit dans presque toutes les langues modernes.

La petite communauté de Girone, sur le Ter, en Catalogne, rut le berceau de plusieurs hommes de mérite, qui prirent le surnom de Girond ! et rendirent ainsi célèbre leur lieu natal. C’était une communauté rigoureusement orthodoxe, réfractaire à toute influence philosophique et attachée au Talmud. Un de ses enfants les plus illustres fut Zerahya Hallévi Girondi, esprit sagace, qui osait examiner avec impartialité et critiquer, s’il le fallait, les travaux des plus grands talmudistes. Ses hardiesses, incomprises des talmudistes de son temps, qui s’appuyaient avant tout sur des autorités reconnues, furent vivement attaquées par ces savants.

De l’autre côté des Pyrénées, dans le Languedoc et la Provence,