Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/129

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la situation des Juifs était étalement bonne vers la fin du XIIe siècle. Cette région, qui avait les mêmes mœurs et les mêmes tendances que le nord de l’Espagne, appartenait alors à divers maîtres. Une partie était soumise à la France, une autre était un fief de l’Allemagne, d’autres parties appartenaient au roi d’Aragon, au comte de Toulouse et à différents grands vassaux, comtes, vicomtes et barons, presque tous amis des lettres, enthousiastes de la poésie provençale et serviteurs très tièdes de l’Église. À côté de la noblesse s’était formée une bourgeoisie libérale, riche, très jalouse de son indépendance. Grâce aux relations suivies des habitants du pars avec les Juifs et les musulmans, les préjugés de l’Occident contre les représentants de l’Orient s’étaient singulièrement affaiblis. Ces mêmes Provençaux, qui osaient railler le clergé, flétrir les vices de la cour papale et laissèrent se développer plus tard, parmi eux, l’hérésie des Albigeois, se montraient justes et tolérants envers les Juifs et le judaïsme. Beaucoup d’entre eux reconnaissaient en secret, et même publiquement, que la religion des Juifs valait mieux que celle des chrétiens ; bien des seigneurs appelaient des Juifs aux emplois publics et leur confiaient même les fonctions de bailli, qui, en l’absence du maître, leur conféraient les droits de police et de justice. Aussi, dans cette contrée si richement dotée par la nature, les Juifs étaient très dévoués aux intérêts du pays et prenaient une grande part au mouvement intellectuel. Enclins, comme leurs concitoyens chrétiens, aux innovations, ils ne se contentaient pas des idées reçues, mais les soumettaient à une judicieuse critique. Néanmoins, leur esprit n’était pas assez puissant pour créer, ils étaient simplement les disciples zélés de maîtres étrangers, dont ils traduisaient et répandaient les productions.

Fidèles aux vertus traditionnelles de la race juive, ils étaient hospitaliers et charitables à un très haut degré. Les riches faisaient instruire les enfants des pauvres et leur fournissaient les livres, si coûteux à cette époque. Les communautés étaient étroitement unies entre elles, se prêtant un appui mutuel dans les circonstances difficiles. Elles vivaient généralement dans l’aisance, se livrant à l’agriculture et entretenant des relations commerciales avec l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Égypte et l’Orient.