Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/130

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La plus importante communauté du sud de la France était Narbonne ; elle comptait trois cents membres. Sous le règne de la vaillante et prudente princesse Ermengarde, elle avait à sa tête Kalonymos ben Toderos, issu d’une famille très ancienne, et dont un ancêtre, Makir, s’était établi, dit-on, à Narbonne sous Charlemagne et avait été nommé chef de la communauté. Kalonymos possédait de nombreux immeubles, dont la propriété lui était garantie par lettres patentes. L’école était dirigée par Abraham ben Isaac, qui portait le titre de chef du tribunal. Sa science se bornait à une vaste érudition talmudique. Encore de son vivant, il fut surpassé par ses disciples Zerahya Girondi et Abraham ben David, de Posquières. Il mourut dans l’automne de l’année 1178.

Vers le même temps, vivait à Narbonne la famille des Kimhi, dont les travaux, quoique inférieurs à leur réputation, furent cependant très utiles à la Provence, d’abord, et ensuite à la postérité. Le chef de cette famille, Joseph ben Isaac Kimhi, dont les principaux écrits parurent de 1150 à 1170, avait été sans doute contraint par l’intolérance des Almohades d’émigrer d’Espagne à Narbonne. Son grand mérite est d’avoir introduit la civilisation juive de l’Espagne dans le midi de la France, et d’avoir ainsi complété l’œuvre à peine ébauchée d’Ibn Ezra. Familiarisé avec la langue arabe, il traduisit en hébreu le traité philosophico-moral de Bahya ; il écrivit aussi un commentaire sur la Bible et composa quelques poésies liturgiques. On lui attribue encore un livre de polémique contre le christianisme, écrit sous forme de dialogue entre un croyant et un chrétien. Que Kimhi en soit l’auteur ou non, cet ouvrage a certainement été écrit à cette époque et dans ce pays ; il fait grand honneur au judaïsme. En effet, il fait déclarer au croyant que la valeur d’une religion se reconnaît à la valeur morale de ses adeptes. Or, parmi tes Juifs, on ne trouve ni assassins, ni brigands, ni débauchés, tandis que bien des chrétiens, voleurs de grands chemins, pillent et tuent sans scrupule. Les enfants juifs sont élevés dans la crainte de Dieu, on leur inculque des sentiments de morale qui, très souvent, ne se rencontrent pas au même degré chez les enfants chrétiens. Enfin, le Juif est hospitalier et bienfaisant envers son frère, rachetant les captifs et venant en aide à ceux qui souffrent.