Baudouin, archevêque de Cantorbéry, fit observer au prince qu’il était de son devoir de refuser les cadeaux des Juifs et de faire sortir les donateurs de la salle. Richard obéit aux injonctions de l’archevêque ; les serviteurs du palais chassèrent honteusement les députés juifs et leur infligèrent de mauvais traitements.
Ce fut le signal des désordres. Dans toute la ville de Londres, le bruit se répandit rapidement que le roi avait fait expulser les délégués juifs de son palais et désirait la mort de toute la population juive. La populace et les croisés se mirent immédiatement d’accord pour piller les Juifs. Ceux-ci s’étaient enfermés dans leurs demeures ; les émeutiers y mirent le feu. Des maisons et des synagogues furent incendiées et des Juifs massacrés en grand nombre. Bien des Juifs, pour ne pas tomber entre les mains de leurs persécuteurs, se tuèrent eux-mêmes. C’est ainsi que périt aussi Jacob d’Orléans. Un seul Juif, le riche Bénédict de York, accepta le baptême. Au sortir du palais, où il était rendu avec la députation juive, il avait été traîné dans une église et baptisé ; il consentit momentanément à rester chrétien.
Le lendemain, quand Richard fut mis au courant de ce qui s’était passé, il fit arrêter et exécuter les principaux meneurs, et comme il craignait que les Juifs fussent inquiétés sur d’autres points de l’Angleterre ou des provinces anglaises de France, il les déclara inviolables. Il permit également à Bénédict de York, qui le lui demandait, de retourner à son ancienne religion. L’archevêque de Cantorbéry, présent à l’entrevue de roi et de Bénédict et invité à exprimer son opinion sur la demande du Juif converti, répondit avec colère : S’il ne veut pas rester un enfant de Dieu, qu’il appartienne au diable !
Dès que Richard eut quitté l’Angleterre pour se mettre avec Philippe-Auguste à la tête d’une nouvelle croisade, les massacres de Londres furent imités dans diverses villes d’Angleterre. Des scènes sanglantes eurent lieu à Lynn et à Norwich, où les Juifs furent tués et leurs maisons pillées.
Ce fut à York que se produisit le drame le plus émouvant. Dans cette ville demeuraient deux Juifs très riches, Jossé et Bénédict, qui habitaient de superbes palais ; Bénédict est ce converti dont il a été question plus haut. L’opulence de ces deux hommes