Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/148

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une ville où les Juifs étaient contraints de pratiquer en apparence l’islamisme. Peut-être Maïmoun espéra-t-il pouvoir rendre des services au judaïsme, au milieu de ses malheureux coreligionnaires de ce pays. La persécution religieuse, qui durait depuis dix ans, avait affaibli la foi des Juifs africains. Il n’est donné qu’à des caractères d’une trempe particulièrement ferme de conserver leurs croyances tout en observant extérieurement une autre religion. Peu à peu, la masse ignorante s’habituait à un culte qu’elle n’avait accepté d’abord qu’en apparence et par contrainte, et elle n’était pas loin de croire qu’en réalité Dieu avait aboli la loi promulguée sur le Sinaï et en avait révélé une nouvelle à Mahomet. Cet affaiblissement des convictions religieuses des Juifs et cette renonciation progressive à la foi de leurs pères affligèrent profondément Maïmoun, qui essaya de réagir contre cette tendance funeste et de raffermir la foi chancelante de ses frères. Il adressa dans ce but, en 1160, une lettre d’exhortations aux communautés africaines.

Bientôt Maïmonide eut aussi l’occasion d’entrer dans l’arène et d’encourager, comme son père, les Juifs opprimés à conserver intactes dans leur cœur les croyances de leurs ancêtres. Un écrivain d’une piété outrée avait déclaré que, d’après la loi juive, ceux même qui faisaient semblant d’observer l’islamisme, tout en accomplissant secrètement toutes les pratiques juives, devaient être traités en idolâtres. Selon ce zélateur, tout Juif sincère était obligé, s’il ne voulait être considéré comme apostat, de sacrifier sa vie et celle de se famille plutôt que d’adopter, même extérieurement, la religion musulmane. Vivement émus par cet écrit, qui déclarait inutiles tous leurs efforts pour rester fidèles secrètement à leur ancienne religion, la plus grande partie des Juifs africains se demandaient s’il ne valait pas mieux, dans ce cas, se convertir complètement à l’islamisme. Devant ce danger, Maïmonide entreprit de réfuter les assertions de ce zélateur et de justifier la conduite des Juifs qui faisaient semblant de pratiquer l’islamisme. Cet ouvrage, le premier de Maïmonide, porte déjà la marque de son esprit lucide et pénétrant ; il l’écrivit en arabe pour le rendre accessible à tous.

Maïmonide établit dans cet écrit que la transgression d’une