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avec les académies, était en conflit perpétuel avec elles. À la cour, il n’avait d’influence qu’en l’achetant à deniers comptants et il n’obtenait du peuple que par des exactions les sommes considérables qui lui étaient nécessaires pour payer favoris et courtisans. Les collèges académiques, de leur côté, pressuraient les communautés pour en tirer les ressources dont ils avaient besoin. Partout régnaient l’arbitraire et la violence. Ainsi, l’exilarque David excommunia les Juifs de Fars (Ramadan ?), parce qu’ils avaient refusé de contribuer à une collecte faite par son fils, et il en informa le khalife, qui leur infligea une forte amende.

Les gaonim n’avaient pas un mot de blâme pour de tels faits ! Saadia lui-même, si honnête et si courageux, était obligé de se taire, car son élection était encore de date trop récente. Du reste, sa renommée lui avait créé des ennemis, qui épiaient ses actes et ses paroles pour les tourner contre lui. D’une part, il avait pour adversaire Kohen-Cédék, le gaon de Pumbadita, affligé que son collègue de Sora le mît complètement dans l’ombre, et, d’autre part, il avait excité la haine d’Aaron (Kalb) ibn Sardjadou, de Bagdad, homme encore jeune, savant, riche et très influent. Comme il se sentait surveillé par des personnes malveillantes et que sa situation n’était pas encore très solide, il garda d’abord le silence sur les faits répréhensibles qu’il voyait commettre. Mais l’indignation l’emportant un jour sur la prudence, il s’éleva énergiquement contre la conduite coupable de ceux qui avaient la charge de représenter le judaïsme dans la Babylonie.

Voici le fait qui provoqua la protestation de Saadia. Dans un procès relatif à un héritage important, l’exilarque David, influencé par la promesse de recevoir un riche présent, avait rendu un jugement qui ne paraissait pas équitable. Pour rendre la sentence exécutoire, il demanda aux deux gaonim d’y apposer leur signature. Kohen-Cédék y consentit, mais Saadia s’y refusa, et, sur les instances des deux parties, il fit connaître les motifs de son refus. L’exilarque lui enjoignit, par l’intermédiaire de son fils Juda, de signer l’arrêt sans retard. Saadia répliqua que, dans les questions de droit, la loi prescrivait de n’avoir d’égards ni pour les grands ni pour les petits, et, malgré l’insistance de Juda et ses menaces de destitution, il persista dans son refus. Irrité de cette résistance,