Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/211

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accueillit dans son code toutes les lois d’exception que la malveillance des Byzantins et des Visigoths avait inventées contre les Juifs, il y ajouta même d’autres restrictions. Il ordonna aux Juifs et aux Juives de porter un signe distinctif à leur coiffure, déclarant passibles d’une amende ou de la flagellation ceux qui contreviendraient à cet ordre. Juifs et chrétiens ne pouvaient ni manger ensemble, ni se baigner ensemble. Alphonse le Sage ajouta également foi à cette fable ridicule que les Juifs crucifiaient tous les ans un enfant chrétien, le vendredi saint. Pourtant, le pape Innocent IV lui-même avait déclaré cette accusation mensongère et proclamé l’innocence des Juifs. Mais, dès qu’un pape élevait la voix en faveur des Juifs, on ne croyait plus à son infaillibilité. Aussi Alphonse X renouvela-t-il contre les Juifs l’interdiction de se montrer dans les rues le vendredi saint ; il menaça de mort ceux qui crucifieraient même une figure de cire. Mais voici une singularité encore plus étrange. Alphonse X, qui avait attaché un médecin juif à sa personne, interdit aux chrétiens de se servir de remèdes préparés par un Juif ! Il faut cependant ajouter qu’il défendit de profaner les synagogues, d’imposer aux Juifs le baptême par contrainte, de les faire comparaître devant les tribunaux pendant leurs fêtes, et il les dispensa des cérémonies burlesques qui accompagnaient la prestation du serment dans certains pays, ne les obligeant qu’à poser simplement la main sur la Thora.

Pour le moment, toutes ces lois restaient sans conséquence pratique ; Alphonse X ne les mettait pas en vigueur. Mais plus tard, elles furent appliquées et contribuèrent à rendre le séjour de l’Espagne très douloureux pour les Juifs.

En Aragon, les Juifs étaient bien plus malheureux que dans la Castille. Le roi d’Aragon, Jacques Ier, qui possédait des propriétés dans le midi de la France, avait des entrevues fréquentes avec saint Louis ou ses conseillers et apprenait d’eux à opprimer les Juifs. De plus, il avait souvent besoin de l’indulgence de son confesseur Raimond de Peñaforte, et il cherchait à gagner ses bonnes grâces au détriment de la tranquillité des Juifs. On sait que de Peñaforte était hanté du désir de convertir juifs et musulmans. Sous son impulsion, les dominicains apprenaient avec ardeur l’arabe et l’hébreu, dans l’espoir de conquérir plus facilement les âmes juives.