Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/212

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Parmi les dominicains, le premier qui essayât de convertir les Juifs par la prédication fut un renégat, Pablo Christiani. Partout où il passait, dans le midi de la France comme dans d’autres régions, il provoquait les Juifs à des controverses publiques, pour leur démontrer que leurs livres saints annonçaient déjà la divinité de Jésus et sa mission messianique. Devant l’inanité de ses efforts, son chef, Raimond de Peñaforte, résolut d’organiser à la cour une controverse entre Pablo et un des plus célèbres rabbins de l’époque, Nahmani, de Girone, sur la valeur comparative du judaïsme et du christianisme. Le roi Jayme, se conformant au désir du général des dominicains, invita Nahmani, connu sous le nom de Maître Astruc de Porta, et plusieurs autres rabbins, à venir prendre part à un colloque public, à Barcelone (1263). Nahmani y consentit, à condition, cependant, qu’il eût toute liberté pour exprimer sa pensée. Sur la recommandation que lui fit Raimond de Peñaforte de ne proférer aucune parole injurieuse pour le christianisme, Nahmani répondit avec dignité que lui aussi connaissait les convenances. Et, de fait, il représenta le judaïsme à la cour chrétienne d’Aragon avec autant d’honneur qu’autrefois Philon d’Alexandrie devant un empereur païen.

Pendant quatre jours, à partir du 20 juillet, Nahmani et Pablo Christiani discutèrent ensemble dans le palais du souverain, en présence de toute la cour, des hauts dignitaires de l’Église, de la noblesse et du peuple. Pour éviter les trop nombreuses digressions, Nahmani avait proposé, dès l’abord, de délimiter avec précision le champ de la discussion. Il s’agissait, selon lui, de s’en tenir à l’examen des questions suivantes : le Messie est-il déjà arrivé ? D’après la Bible, le Messie doit-il être un dieu ou un simple mortel ? Enfin, à laquelle des deux religions faut-il accorder la préférence ? La proposition de Nahmani une fois admise, Pablo essaya de prouver par des passages de l’Aggada que le Talmud admettait la divinité de Jésus. Mais Nahmani affirma que l’Aggada ne représente nullement la tradition et que les Juifs ne sont pas tenus d’y croire, assertion que son adversaire lui reprochait comme hérétique. Plus hardie encore paraissait cette déclaration de Nahmani qu’il préférait au Messie le roi chrétien devant lequel il parlait. Invité à expliquer sa pensée, il dit qu’il y avait plus de mérite