Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il est dévasté ; c’est Jérusalem qui offre le plus de ruines. Parmi les habitants juifs de la cité sainte, les uns avaient été tués, les autres s’étaient enfuis, emportant les rouleaux de la Loi à Sikem. Après le départ des Mongols, on trouva à Jérusalem environ deux mille musulmans et trois cents chrétiens, mais il n’y avait plus qu’une ou deux familles juives. Assis tristement sur la montagne des Oliviers, en face des ruines de l’ancien temple, Nahmani exhala en vers empruntés à d’autres poètes sa douleur sur l’aspect désolé des lieux saints.

Pour rendre un peu de vie à cette Terre Sainte à laquelle il avait fait autrefois une si large place dans ses rêves, Nahmani y éleva des synagogues, organisa des communautés et fonda une école. Bientôt, il se vit entouré de nombreux disciples, dont plusieurs étaient venus de la région de l’Euphrate, et parmi lesquels se trouvaient aussi, dit-on, des caraïtes, entre autres le célèbre Ahron ben Joseph, l’ancien. Quoique particulièrement familiarisé avec la science talmudique, Nahmani, en sa qualité d’enfant de l’Espagne, possédait encore assez d’autres connaissances pour pouvoir jeter des semences fécondes dans le terrain, depuis si longtemps en friche, des pays d’Orient. Même la doctrine cabalistique, qu’il fut le premier à implanter dans cette contrée, rendit des services à ses coreligionnaires orientaux, parce qu’elle enrichit leur esprit d’idées qui leur étaient totalement inconnues et les habitua à raisonner et à réfléchir. Ce fut en Palestine, et dans le but de réveiller chez les Juifs de ce pays le goût de l’exégèse biblique, que Nahmani composa son commentaire sur la Tora, où l’on retrouve l’esprit original et les sentiments généreux et, élevés, mais aussi les rêveries mystiques de l’auteur. Car, à l’exemple d’un grand nombre de ses prédécesseurs, Nahmani voulait trouver ses conceptions et ses idées dans le texte sacré, et il l’interpréta, par conséquent, dans le sens de ses propres vues.

Nahmani avait laissé en Espagne de nombreux disciples, dont le plus remarquable fut Salomon ben adret. Celui-ci contribua, pour une grande part, à imprimer au judaïsme espagnol de son temps la marque des idées personnelles de son maître. Attachement inébranlable et passionné pour le judaïsme, vénération profonde pour le Talmud, goût de dilettante pour les sciences profanes