Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/215

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du colloque de Barcelone, et le répandit parmi ses coreligionnaires. Sur l’affirmation de Pablo que cet écrit outrageait le christianisme, Raimond de Peñaforte en dénonça l’auteur au roi. Don Jayme fut obligé de tenir compte de l’accusation du fanatique dominicain, mais, comme s’il s’était méfié de l’impartialité des adversaires de Nahmani, il fit comparaître le savant juif devant une commission spéciale, au lieu de le laisser juger par le tribunal ordinaire des dominicains, et assista lui-même aux débats. Il fut facile à Nahman de prouver qu’il n’avait reproduit dans son compte rendu que les assertions émises publiquement pendant la controverse, en présence du roi et de Peñaforte lui-même.

Quoique convaincus de la justice de la cause de Nahmani, le roi et la commission n’osaient pas l’acquitter complètement, de peur d’exciter la colère des dominicains ; ils le condamnèrent à s’exiler pendant deux ans de sa ville natale et à livrer son ouvrage aux flammes. Cette sentence semblait trop douce aux dominicains, qui auraient voulu faire citer Nahmani devant leur propre tribunal et lui infliger un châtiment rigoureux. Mais Don Jayme s’y opposa, il accorda même à Nahmani une sorte de privilège, en vertu duquel le vaillant champion du colloque le Barcelone ne pouvait être jugé pour toute question relative à ce colloque qu’en présence du souverain (avril 1265).

Irrités de la fermeté du roi, qui se refusait à abandonner Nahmani à leur discrétion, les dominicains en appelèrent au pape Clément IV. Celui-ci se joignit avec empressement à Peñaforte (en 1266) pour demander une punition exemplaire contre le Juif qui avait osé soutenir la supériorité du judaïsme sur le christianisme ! Dans la crainte que le roi ne cédât, à la fin, aux instances de ses ennemis, Nahmani, âgé alors de soixante-dix ans, abandonna son pays, ses deux fils, son école et tous ses amis pour prendre le chemin de l’exil ; il se rendit dans la Terre Sainte. Là, d’amères déceptions l’attendaient. Comme autrefois Juda Hallévi, il fut profondément affligé de l’état de dévastation et de morne tristesse dans lequel il trouva le pays et la ville de ses rêves. Quelques années auparavant, en 1260, sous le sultan Houladjou, les Mongols ou Tartares avaient entièrement ravagé cette contrée. Plus un endroit est sacré, s’écria Nahmani avec désespoir, plus