Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que sa conversion pouvait lui susciter, manifesta le plus profond attachement pour sa nouvelle religion, épousa une Juive (1275) et défendit avec chaleur le judaïsme contre toutes les attaques. Le roi s’en remit à l’archevêque de Cantorbéry du soin de châtier Robert de Reddingge. Mais les dominicains, considérant que la conversion au judaïsme d’un de leurs collègues était une flétrissure pour l’ordre tout entier, et surexcités par les railleries du peuple et des franciscains, leurs rivaux implacables, résolurent de faire expier cette apostasie à tous les Juifs. Sans action sur le roi, ils réussirent à faire partager leur haine à la reine mère, Éléonore. Alors commença contre les Juifs, presque malgré la volonté du roi, une série de vexations et de persécutions qu’on croirait à peine possibles, si elles n’étaient pas attestées par des documents d’une authenticité absolue. Comme les Juifs étaient en quelque sorte la propriété du roi, ni le peuple, ni la noblesse n’avaient aucun pouvoir sur eux, et le Parlement les laissait tranquilles. Mais après la conversion du moine Robert, et à l’instigation des dominicains et de la reine, le Parlement promulgua contre eux un Statut, animé du plus malveillant esprit. Un écrivain anglais fait remarquer que, dans ce temps, les Juifs étaient aussi malheureux en Angleterre que leurs ancêtres l’avaient été en Égypte, avec cette différence qu’en Angleterre, au lieu de briques, on leur réclamait de l’or. Il aurait pu pousser la comparaison plus loin et dire qu’en Angleterre, comme en Égypte, on ne leur accordait rien et on exigeait beaucoup d’eux.

Néanmoins, la situation était encore tolérable, quand une circonstance imprévue vint l’empirer. On découvrit, un jour, que de la fausse monnaie, importée de l’étranger, circulait en Angleterre, et que la monnaie du pays même était souvent rognée. Immédiatement on accusa les Juifs de ce crime. Le même jour (vendredi 17 nov. 1278), tous les Juifs d’Angleterre, hommes, femmes et enfants, furent jetés en prison et des enquêtes furent ouvertes. Près de trois cents Juifs furent, en effet, convaincus d’avoir altéré la monnaie, mais bien des chrétiens nobles et bourgeois, s’étaient rendus coupables du même crime. Cependant, tous les chrétiens, à l’exception de trois, en furent quittes pour une amende, tandis que dix mille Juifs, dont la très grande majorité était innocente,