Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/234

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venir au temple les jours de sabbat et de fête et de les laisser libres de s’agenouiller devant la Tora. Dans une lettre qu’il adressa à son légat et à l’archevêque de York (novembre 1286), le pape ordonna à ces dignitaires de l’Église de mettre tout en œuvre pour faire cesser cet état de choses.

Le 16 avril 1287, des ecclésiastiques se réunirent en synode à Exeter et décidèrent de remettre en vigueur toutes les mesures décrétées par les conciles contre les Juifs. Quinze jours après, sur l’ordre du roi Édouard, tous les Juifs d’Angleterre furent de nouveau jetés en prison, mais ils furent assez promptement remis en liberté contre une grosse somme d’argent. Enfin, trois ans plus tard, en 1290, le roi, de sa propre autorité et sans avoir consulté le Parlement, se décida, sur les sollicitations pressantes de sa mère, à condamner à l’exil tous les Juifs de son pays. On leur accorda l’autorisation, jusqu’au mois de novembre, de convertir tous leurs biens en argent liquide ; passé ce délai, ceux qu’on trouverait encore sur terre anglaise seraient pendus. Auparavant, ils devaient rendre à leurs propriétaires tous les objets que leurs débiteurs chrétiens leur avaient donnés en gage.

À en juger par les souffrances qu’on leur faisait endurer, les Juifs d’Angleterre devaient vraiment considérer l’exil presque comme une délivrance. Le roi Édouard témoigna encore à ces malheureux assez de sollicitude pour défendre sévèrement à ses fonctionnaires de les maltraiter au moment de leur départ, et aux chefs des cinq ports principaux d’embarquement de leur extorquer de l’argent. Enfin, le 9 octobre, seize mille cinq cent onze Juifs quittèrent l’Angleterre, où leurs ancêtres étaient établis depuis plus de quatre siècles ; les biens-fonds qu’ils n’avaient pu vendre furent confisqués par le roi.

En dépit de la défense royale, les pauvres exilés étaient exposés à toute sorte de mauvais traitements. Ainsi, un capitaine de vaisseau qui s’était engagé à transporter plusieurs familles par la Tamise jusqu’à la haute mer, les fit débarquer sur un banc de sable à la marée basse, les y laissa jusqu’au moment du reflux, et quand ces malheureux, entourés par les vagues, le supplièrent de les sauver, il leur dit d’invoquer Moïse, qui avait autrefois protégé leurs ancêtres contre les flots de la mer Rouge. Toutes ces