Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/237

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leur esprit se faussa, s’égara, se livrant aux élucubrations les plus absurdes et les plus ridicules. Pendant plus de deux siècles, les Juifs étaient restés en quelque sorte les prêtres du libre examen, entretenant avec soin le flambeau de la science, pour le transmettre allumé aux générations futures. La philosophie scolastique qui, aux veux de l’Europe chrétienne, annonçait le début d’un réveil intellectuel, devait, en partie, son origine aux œuvres de Maimonide et d’Ibn Gabirol. Ce fut également aux intermédiaires juifs, traducteurs et commentateurs, que la philosophie religieuse des chrétiens devait toutes les idées qu’elle avait empruntées aux savants grecs et arabes. Mais la pensée juive, qui avait eu de si brillants représentants, allait être obscurcie pour quelque temps par l’avènement du mysticisme.

Jusqu’alors, la doctrine secrète avait gardé une allure modeste, et s’était tenue sur la réserve. Mais à cette époque, son influence avait déjà considérablement grandi, elle égarait les meilleurs esprits et embrouillait les idées. Elle cherchait à cacher sous des dehors bruyants et des prétentions exagérées le vide de ses conceptions et la fausseté de ses principes. De son premier foyer, qui était Girone, elle se répandit bientôt dans tout le nord de l’Espagne, et de là dans le sud ; elle pénétra jusqu’à Tolède, la capitale de la Castille.

Dans cette ville, où autrefois le sain esprit philosophique avait prédominé, la Cabale avait trouvé un adepte d’illustre naissance,. riche et très instruit. C’était Todros ben Joseph Hallévi (né en 1234 et mort après 1304), de la noble famille des Aboulafia, neveu de ce Meïr Aboulafia qui avait lutté avec tant d’opiniâtreté contre Maïmonide et les spéculations philosophiques. Todros Aboulafia, que ses coreligionnaires honoraient du titre de prince, occupait une situation élevée à la cour de Sanche IV, et son influence était grande, en sa qualité de médecin ou de financier, sur la prudente reine Marie de Molina. Quand le couple royal se rendit en France auprès du roi Philippe le Bel, pour aplanir les difficultés qui s’étaient élevées entre eux (1190), Todros Aboulafia fit partie de sa suite et reçut un accueil brillant de la part des Juifs de la Provence.

À l’exemple de son oncle, Todros combattit la philosophie et ses