Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/239

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De retour en Espagne, il avait déjà quarante-trois ans quand il se mit à étudier la Cabale, et particulièrement le mystérieux Livre de la Création. D’après son propre aveu, cette étude troubla ses idées, il était en proie à des hallucinations et il voyait devant lui les apparitions les plus étranges. À force de chercher la lumière, il rendit ses idées de plus en plus confuses. Après s’être convaincu que la philosophie, dont il avait fait une étude sérieuse, ne conduisait pas à la certitude et que la Cabale elle-même accordait une place importante à la science, Todros Aboulafia aspira à s’élever plus haut, jusqu’à une sorte de révélation qui lui enseignerait la vérité sans qu’il eût besoin de faire aucun effort pour l’acquérir. Il crut enfin avoir découvert ce qu’il cherchait. Il était convaincu que, grâce à l’inspiration divine, il était parvenu à connaître une Cabale supérieure, qui lui permettait d’entrer en communication plus directe avec l’Esprit de l’univers et d’avoir des visions prophétiques. Pour se mettre ainsi en rapport avec le monde des esprits, il suffit, d’après lui, de transposer les mots d’un verset ou les lettres des divers noms de Dieu, pour en former de nouveaux mots, ou encore de tenir compte de la valeur numérique des lettres (Guématria). Mais ces combinaisons de mots et de lettres n’assurent le don prophétique qu’à celui qui s’en rend digne par une vie ascétique et reste éloigné des bruits du monde, enfermé dans une petite cellule, l’esprit libre de toute préoccupation matérielle, le corps enveloppé de vêtements blancs, couvert du talit et des phylactères, l’âme recueillie et comme prête à un entretien avec la divinité. En outre, les lettres qui composent les noms de Dieu doivent être prononcées avec des modulations et des pauses plus ou moins longues, ou transcrites dans un certain ordre ; il faut également s’agiter, se remuer, se tourner à droite, à gauche, jusqu’à ce que les sens soient comme endormis et que le cœur brûle d’un feu ardent. L’être tout entier est alors pris d’une espèce de torpeur, et on éprouve une sensation comme si l’âme se séparait du corps. C’est alors que l’esprit divin se répand dans l’âme humaine, s’unit à elle dans un baiser, et de cette union naît la faculté d’avoir des visions prophétiques. Aboulafia prétendait qu’il était précisément parvenu à cet état quand, par une inspiration prophétique, il eut connaissance de la Cabale particulière