Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui et les Tibbonides considéraient les attaques d’Abba Mari contre la science comme une atteinte portée à la mémoire de leurs aïeux, surtout à celle de Samuel ibn Tibbon, le propagateur et traducteur des ouvrages de Maimonide, et à calte de Jacob Anatoli, qui, un des premiers, avait vivement recommandé d’interpréter dans un sens allégorique, pour l’édification des fidèles, certains récits bibliques et certaines cérémonies. Aussi voyait-on à la tête des adversaires d’Abba Mari l’arrière-petit-fils de Samuel ibn Tibbon. Juda ben Moise. Pour conquérir des partisans en dehors de la communauté, les Tibbonides employèrent une manœuvre très habile : ils firent semblant de croire que les obscurantistes voulaient faire prononcer de nouveau l’excommunication contre Maimonide et ses œuvres, et qu’Abba Mari suivait l’exemple de Salomon de Montpellier. Bien des personnes que la querelle entre amis et adversaires des études profanes aurait laissées indifférentes s’empressèrent alors de se prononcer en faveur de Maimonide.

Ainsi fortifié par de nouvelles recrues, le parti des Tibbonides écrivit à Ben Adret et à la communauté de Barcelone pour leur demander de cesser leur campagne contre la science. Car, disaient-ils prétendre, comme le font les obscurantistes, qu’on, interdit les études profanes à la jeunesse seulement, mais qu’on ne les condamne pas d’une façon absolue, c’est jouer sur les mots. Quand on s’est, en effet, occupé exclusivement de Bible et de Talmud jusqu’à l’âge de trente ans, on ne peut plus s’adonner utilement aux recherches scientifiques. Les Tibbonides ajoutaient qu’il était inique de les déclarer hérétiques, parce qu’outre la Tora ils étudiaient également des matières profanes, car ils ne le cédaient à personne en piété et en orthodoxie. Ils concluaient enfin en demandant instamment à Ben Adret de ne pas jeter la discorde parmi les Juifs par ses menaces d’excommunication.

Le ton hautain de cette épître irrita la communauté de Barcelone, les rapports entre les deux partis se tendirent encore plus et on échangea des notes de plus en plus vives. Des deux côtés on s’efforça de gagner de nouveaux partisans dans les diverses communautés. Argentière, Aix, Avignon et Lunel se rangèrent sous la bannière d’Abba Mari. À Perpignan, siège principal des études profanes si détestées des obscurantistes, un