Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/250

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essayaient encore une fois de condamner toute recherche scientifique et toute étude profane, une partie importante de la communauté décida de mettre obstacle à la réalisation de leurs projets.

Il existait alors à Montpellier une personnalité très influente par sa famille, sa situation sociale, son savoir et sa fortune, et qui avait en quelque sorte sucé l’amour de la science avec le lait. C’était Jacob ben Mikir Tibbon, connu, dans les milieux chrétiens, sous le nom de Don Profiat ou Profatius (né en 1245 et mort après 1312). Parent des Tibbonides, il avait vu par l’exemple de sa famille qu’on pouvait être à la fois religieux et savant. II était versé dans la Bible et le Talmud, pratiquait la médecine, mais manifestait une prédilection marquée pour les mathématiques et l’astronomie. Ses observations sur la déviation de l’axe terrestre ont servi de base aux recherches d’astronomes de grande valeur. Il occupait une place importante à la Faculté de médecine de Montpellier, et sa connaissance de l’arabe lui avait permis de traduire en hébreu de nombreux ouvrages scientifiques. Tel était l’Homme dont Abba Mari sollicitait l’appui pour faire renoncer la jeunesse juive aux études profanes !

Loin d’accepter le rôle qui lui était offert dans la bataille qu’on voulait livrer à la science, Profiat s’efforça, au contraire, de faire comprendre quelles seraient les conséquences désastreuses de cette lutte ; il engagea Abba Mari à ne même pas donner lecture en public de la lettre par laquelle Ben Adret condamnait les études profanes. Abba Hari repoussa le sage avis de Profiat et invita les membres de la communauté à se réunir un jour de sabbat à la synagogue, pour délibérer sur cette question. Dans cette réunion, qui eut lieu au mois d’août 1304, des discussions très pives s’élevèrent entre les assistants, et l’on se sépara sans avoir pris aucune décision. Il se forma alors à Montpellier deux partis d’un côté, les amis de Profiat, de l’autre, les partisans d’Abba Hari.

De part et d’autre, on ne ménageait ni démarches ni efforts. Pour montrer à Ben Adret qu’il le soutenait efficacement dans cette lutte, Abba Hari aurait désiré recueillir à Montpellier au moins vingt-cinq adhésions. Mais Jacob Tibbon tenait à honneur de ne pas laisser triompher l’obscurantisme dans sa ville natale. Du reste,