Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/264

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c’est que les violences des Pastoureaux ajoutent une page sanglante de plus à l’histoire juive. Réunis près d’Agen, sur les rives de la Garonne, ils égorgèrent tous les Juifs qu’ils rencontrèrent sur leur passage jusqu’à Toulouse, n’épargnant que ceux qui acceptaient le baptême. Près de cinq cents Juifs s’étaient réfugiés dans la forteresse de Verdun (près de la Garonne) et repoussaient avec vigueur les assauts répétés des Pastoureaux. Quand ils virent que tout espoir était perdu, ils furent unanimes pour confier au plus digne et plus âgé d’entre eux la lugubre mission de les tuer l’un après l’autre. Celui-ci choisit comme aide, pour cette funèbre besogne, un jeune homme vigoureux et résolu. Lorsque tous furent égorgés et que le vieillard lui-même eut péri, son jeune compagnon eut peur de mourir, et au lieu de se tuer, il sollicita sa grâce, offrant aux Pastoureaux de se faire chrétien. Sa demande fut rejetée, et il fut tué à son tour. Les enfants que leurs parents n’avaient pas osé livrer à la mort furent tous baptisés.

Pris de compassion pour les malheureux Juifs, le gouverneur de Toulouse ordonna à ses chevaliers de s’opposer par la force aux excès des Pastoureaux et d’arrêter les coupables. De fait. bien des Pastoureaux furent amenés à Toulouse et jetés en prison. Mais la foule ameutée les délivra et se rua ensuite sur les Juifs, qu’elle massacra.

Ces sanglantes tueries s’étendirent à travers toute la région, jusqu’à Bordeaux, Albi et d’autres villes du sud de la France. Plus de cent vingt communautés juives furent ainsi détruites en France par les Pastoureaux ; les autres, pillées et rançonnées, étaient réduites à une extrême misère et avaient besoin des secours du dehors, qui, du reste, affluèrent même de l’Allemagne.

L’année suivante amena pour les Juifs de France de nouveaux malheurs, occasionnés par des lépreux. On sait quel était le sort des lépreux au moyen âge. Isolés, déclarés civilement morts, ils étaient enfermés et nourris dans des quartiers spéciaux. Des lépreux de la province de la Guyenne, mécontents de la nourriture qu’on leur donnait, jetèrent du poison dans des puits et des rivières (1321) et causèrent ainsi la mort d’un grand nombre de personnes. Soumis à la torture, l’un des coupables, à l’instigation