Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/265

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d’autres personnes, ou peut-être de sa propre initiative, déclara que c’étaient les Juifs qui leur avaient inspiré leur crime.

Malgré son caractère d’invraisemblance, cette accusation fut acceptée comme vraie, même par le roi Philippe V. Pour la justifier, on disait tantôt que les Juifs avaient voulu se venger ainsi des persécutions des Pastoureaux, tantôt qu’ils avaient été achetés par les Maures de Grenade pour exterminer les chrétiens, ou bien par le souverain musulman de la Palestine pour rendre impossible la croisade projetée par le roi Philippe. Sur bien des points du territoire, des Juifs furent arrêtés pour ce prétendu crime, torturés et brûlés (juillet 1321). À Chinon, on creusa une fosse où l’on alluma un grand feu et on y jeta de nombreux Juifs, tant hommes que femmes. Auparavant, les mères y avaient précipité leurs enfants pour les soustraire au baptême. On estime qu’à la suite de cette accusation d’empoisonnement, prés de cinq mille Juifs périrent dans les flammes.

Plus tard, le roi Philippe put se convaincre que les Juifs avaient été accusés faussement. Mais le fisc aurait trop perdu à la révision du procès. Car le parlement avait condamné les communautés juives à une amende de 150.000 livres parisis, dont 47.000 livres, d’après la répartition proposée par des délégués juifs du nord de la France et du Languedoc, devaient être versées par les communautés du Midi, déjà appauvries par les persécutions de l’année précédente, et le reste tombait à la charge des communautés du Nord. Pour assurer le payement de cette somme, on incarcéra les plus riches d’entre les Juifs, et leurs biens ainsi que leurs créances furent mis sous séquestre.

Ce fut dans cette mime année de 1321 que la plus ancienne communauté de l’Europe, préservée jusqu’alors des maux qui avaient atteint en si grand nombre les Juifs de France, d’Angleterre et même d’Espagne, fut exposée subitement à un danger des plus graves. Comme la ville de Rome appartenait moins au pape qu’aux Colonna et aux Orsini, qui y régnaient en maîtres et s’y livraient sans cesse à des luttes de parti, les Juifs romains n’avaient pas eu à souffrir des vexations de l’Église. Pour leur bonheur, ils passaient presque inaperçus. Ils commençaient, à cette époque, à jouir d’un certain bien-être et leur culture intellectuelle était plus