Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/269

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fait de lui ce portrait : Fidèle à mes amis, reconnaissant envers mes bienfaiteurs, doué de sentiments généreux, sans cupidité, je n’ai jamais gardé rancune à mes ennemis ; je me consacrais à la science et à la poésie pendant que mes compagnons faisaient bombance.

Il est, en effet, à remarquer que la conduite et la situation sociale d’Immanuel étaient en contradiction absolue avec les idées qu’il exprime dans ses vers. Très estimé dans la communauté de Rome, il y remplissait des fonctions administratives, et quoiqu’il se moquât des marchands d’orviétan, il parait avoir exercé la profession de médecin. Sa poésie, légère et folâtre, pourrait faire croire qu’il était ennemi de la religion, des bonnes mœurs et de la science ; mais, en réalité, il menait l’existence calme, pieuse, honnête et laborieuse des savants juifs de son temps.

S’il n’était pas positivement ami de Dante, il était, du moins, très lié avec le grand poète italien. Leurs œuvres diffèrent cependant considérablement, car autant le style de l’un est sérieux, noble, élevé, autant les vers de l’autre sont gais et légers. Mais ils ont aussi quelques points de ressemblance ; ainsi, tous les deux se montrent fortement influencés par les divers éléments des civilisations précédentes. L’esprit de Dante était imprégné des idées ecclésiastiques, scolastiques et romantiques, et Immanuel avait puisé ses conceptions à la fois dans la Bible, le Talmud, la philosophie de Maïmonide et la littérature néo-hébraïque. Tous les deux étaient parvenus à amalgamer ces matériaux variés pour en former un tout harmonieux et les faire servir à la création d’un nouveau genre de poésie.

Outre ses œuvres hébraïques, Immanuel écrivit également des vers italiens, comme le prouve le beau poème italien qui reste encore de lui. Il appliqua les procédés de la poésie italienne à la poésie néo-hébraïque, et il composa un grand nombre de petites nouvelles, des jeux par demandes et réponses, des épîtres, des panégyriques et des oraisons funèbres, où se rencontre toujours l’élément comique. Le héros d’une de ses nouvelles est un grammairien d’humeur belliqueuse, toujours disposé à livrer bataille pour des vétilles grammaticales, mais en même temps mari d’une très jolie femme. Pour pouvoir faire la cour à la femme, Immanuel