Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/273

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que Raimond de Peñaforte y avait apportées et que Jayme Ier y avait traduites en lois oppressives. Dans la Navarre, qui faisait partie de la France depuis un demi-siècle, la haine du Juif sévissait avec cette âpre violence qu’on n’avait encore rencontrée qu’en Allemagne. Charles IV, le dernier des Capétiens, était alors décédé, et avec Philippe VI commençait en France le règne de la dynastie des Valois. Il est intéressant de faire remarquer en passant que, même parmi les chrétiens, on croyait alors que Philippe le Bel, par sa cruauté envers les Juifs, avait appelé la colère divine sur ses descendants et causé ainsi l’extinction des Capétiens. À cette époque, la Navarre cherchait à se rendre indépendante de la France et à se donner un gouvernement autonome. Les Juifs se montrèrent-ils défavorables à cette entreprise ? Ou en voulait-on surtout à leurs richesses ? Ce qui est certain, c’est qu’à la suite des excitations de quelques moines, et notamment du franciscain Pedro Olygoyen, la foule fanatisée se rua dans toute la Navarre sur les Juifs.

Le signal de l’attaque fut donné par les habitants d’Estella. Un jour de sabbat (5 mars 1328), ils se précipitèrent sur la grande communauté juive de cette ville aux cris mille fois répétés de : Sus aux Juifs ! qu’ils meurent ou qu’ils se baptisent ! Les malheureux se défendirent avec le courage du désespoir, mais les assaillants, habitants de la ville et bandes venues du dehors, étaient si nombreux que le quartier juif fut pris d’assaut et les habitants massacrés. Un témoin oculaire, qui raconte ses propres souffrances, laisse deviner dans son récit une partie des tortures infligées aux Juifs d’Estella. Ce témoin, alors âgé de vingt ans, est Menahem ben Zérah, qui, plus tard, devint un savant très autorisé. Il perdit dans ce massacre ses parents et quatre de ses jeunes frères. Blessé lui-même très grièvement, il resta étendu sans connaissance au milieu des morts et des mourants presque pendant toute une nuit. Il ne fut sauvé que grâce à la compassion d’un chevalier, ami de son père, qui, l’ayant cherché et trouvé parmi les cadavres, le soigna jusqu’à complète guérison.

Sur d’autres points encore du pays se produisirent des scènes de carnage ; plus de 6.000 Juifs périrent. Seule, la communauté