Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/279

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dépasser dans ce domaine par leurs coreligionnaires d’Allemagne. Les fils d’Ascheri n’avaient certainement pas prévu cette conséquence de leur zèle obscurantiste, ils ne s’étaient pas dit qu’en interdisant à l’esprit toute recherche scientifique, toute envolée vers la région de la spéculation pure, ils diminueraient sa force créatrice et le rendraient également impropre à l’étude sérieuse du Talmud. Même l’art de la poésie, où jadis les Juifs d’Espagne avaient excellé, était complètement délaissé. Les rares écrivains qui composaient encore des vers n’étaient pas des poètes, mais de simples rimailleurs. Le doux et gracieux troubadour Santob de Carrion, qui, sous le règne d’Alphonse XI, chanta en vers espagnols, était une exception. Ses chants ne trouvèrent aucun écho. Sous l’action des huit fils d’Ascheri, de ses parents, émigrés avec lui d’Allemagne à Tolède, et de ses nombreux petits-fils, le judaïsme espagnol avait pris un caractère de sombre et morose piété.

Parmi les enfants d’Ascheri, les plus remarquables étaient Jacob et Juda. Tous deux étaient de savants talmudistes, mais dénués de toute autre connaissance. L’un d’eux, Jacob ben Ascher (né vers 1280 et mort en 1340), subit la plus dure des destinées, toute sa vie ne fut qu’une suite de peines et de souffrances ; mais il supporta tout avec la plus courageuse résignation. À son arrivée en Espagne, son père avait quelque fortune et vécut constamment dans l’aisance, mais Jacob fut toujours très pauvre. Malgré son profond dénuement, il n’accepta jamais aucun traitement pour ses fonctions de rabbin. Très versé dans le Talmud, il se distinguait plutôt par son érudition que par l’originalité de son esprit. Il eut pourtant le grand mérite de mettre un peu d’ordre dans le chaos talmudique et de codifier les nombreuses prescriptions disséminées dans cet immense recueil. Utilisant tous les travaux antérieurs de ce genre, notamment ceux de Maïmonide, Jacob composa un code divisé en quatre parties appelées Turim (vers 1340), qui contiennent les lois rituelles et civiles ainsi que les lois relatives à la morale et au mariage. L’apparition de ce code marque une nouvelle phase dans le développement intérieur du judaïsme.

En examinant de près l’ouvrage de Jacob, on peut en quelque