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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/278

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les menaçait tous, les communautés de Castille instituèrent des jeûnes publics et invoquèrent la protection de Dieu.

Le péril était imminent. Gonzalo avait, en effet, battu les Maures, dont le chef avait péri sur le champ de bataille, percé par une flèche. Son crédit avait donc grandi auprès du roi, il ne doutait plus que son souverain ne lui permit d’agir arec les Juifs à sa guise, et d’avance il savourait la joie d’assister à leurs souffrances.

Ce fut l’intervention d’une femme qui sauva les Juifs et prépara la chute de leur ennemi. La belle et spirituelle Léonore de Guzman, dont les charmes avaient absolument ensorcelé le roi, haïssait Gonzalo Martinez, et elle sut le rendre suspect à Alphonse XI. Celui-ci ordonna alors à Gonzalo de venir le rejoindre à Madrid. Gonzalo refusa d’obtempérer à cet ordre, et, pour pouvoir braver la colère de son souverain, il souleva contre lui les chevaliers de l’ordre d’Alcantara ainsi que les habitants des villes placées sous son autorité. Il alla même jusqu’à se liguer avec le roi de Portugal et le roi de Grenade, ennemi des chrétiens. Alphonse XI convoqua tous ses chevaliers et marcha contre le rebelle. Un soldat de l’entourage du roi fut mortellement blessé. Effrayés des conséquences d’une guerre civile, plusieurs chevaliers d’Alcantara abandonnèrent la cause de leur grand-maître et livrèrent au roi les tours qu’ils étaient chargés de défendre. Se voyant impuissant à continuer la lutte, Gonzalo implora sa grâce du roi ; il fut condamné à mort comme traître et brûlé vif (1339). Les communautés juives de Castille célébrèrent le jour de sa mort comme un jour de délivrance. Le roi Alphonse traita de nouveau les Juifs avec bienveillance, et il confia à Moise Abudiel un poste élevé à la cour.

Mais, quoique les Juifs d’Espagne pussent alors vivre tranquilles jusqu’à la mort d’Alphonse XI et qu’ils fussent encore plus heureux sous son successeur, ils renoncèrent de plus en plus à cultiver leur esprit. Le rigorisme exagéré des fils d’Ascheri faisait sentir son influence, le goût pour la science allait s’affaiblissant. Ce n’est plus en Espagne, mais dans le sud de la France, qu’on trouvait des partisans du libre examen et des représentants de la philosophie, tels qu’Ibn Kaspi, Gersonide et Narboni. Les études talmudiques mêmes déclinèrent en Espagne ; les Juifs de ce pays se laissèrent