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était d’Oria, prés d’Otrante. Il avait douze ans quand il fut fait prisonnier avec ses parents et d’autres Juifs d’Oria (9 Thamouz ou 4 juillet 925), lors de l’invasion de l’Apulie et de la Calabre, par les musulmans de l’empire fatimide. Ses parents et le reste de sa famille furent emmenés les uns à Palerme et les autres en Afrique, mais lui fut racheté et resta à Trani. Orphelin, livré à ses propres forces, Donnolo se mit au travail avec ardeur ; il étudia la médecine, se laissa séduire par les divagations de l’astrologie et acquit rapidement une grande réputation. Le vice-roi (basilicus) Eupraxios, qui gouvernait la Calabre au nom de l’empereur de Byzance, l’attacha comme médecin à sa personne. Dès qu’il eut acquis quelque fortune, il se mit à acheter de nombreux ouvrages d’astrologie et entreprit de longs voyages ; il poussa même jusqu’à Bagdad. Il consigna le résultat de ses études et de ses recherches dans un livre qu’il publia en 946 et qui, à en juger par les fragments qui en restent, n’a pas grande valeur. Nais il éprouvait pour cette œuvre une affection très vive et une estime toute particulière, parce qu’elle était destinée, dans sa pensée, à transmettre à la postérité le nom de « Sabbataï Donnolo d’Oria ».

Quelque médiocre que parût Donnolo comparativement à Saadia et d’autres savants juifs de son temps, il était cependant bien supérieur à son compatriote Nil le jeune, de Rossano, abbé de Grotta Ferrata, qui représente la dévotion catholique de ce temps et que l’Église a béatifié plus tard. Donnolo et Nil étaient liés d’amitié depuis leur jeune âge. Un jour que le médecin juif voyait l’ascète chrétien épuisé par les macérations qu’il s’imposait, il lui offrit un remède qui devait le prémunir contre les accès d’épilepsie dont il était menacé. Par fanatisme, saint Nil refusa le remède, il ne voulait pas, comme il dit, qu’un Juif pût se vanter d’avoir guéri le Saint, le Thaumaturge. Ce trait aide à faire connaître l’état d’esprit des catholiques d’Italie au (xe siècle.

Ainsi, ce n’était ni dans l’Europe chrétienne, retombée dans la barbarie d’où les premiers Carolingiens avaient essayé de la tirer, ai dans le khalifat fatimide, si prés de sa décrépitude, que la science juive pouvait être transplantée de Babylonie. Seule l’Espagne musulmane, qui comprenait la plus grande partie de la presqu’île pyrénéenne, offrait alors un sol favorable à la culture juive.