comme il était curieux et savait observer, il acquit des connaissances variées et étendues. Ni les souffrances ni les mésaventures ne purent ralentir son zèle pour l’étude. Lors des persécutions amenées par la peste noire, une populace féroce se rua sur la communauté de Cervera. Vidal Narboni s’enfuit avec d’autres coreligionnaires, et dans cette catastrophe il perdit tous ses biens et, ce qui lui était plus cher encore, tous ses livres. Mais dès qu’il put, il reprit ses travaux interrompus.
Vidal Narboni manquait d’originalité, il resta toute sa vie un fervent disciple d’Aristote, avec une teinte d’averroïsme. Il considérait le judaïsme comme un acheminement à la connaissance des plus hautes vérités morales et philosophiques. Pour lui, le texte de la Tora avait deux sens différents ; il avait un sens simple, superficiel, pour la foule, mais présentait un sens plus profond pour les penseurs. Narboni émit également des opinions hérétiques, mais avec moins de franchise et de courage que Gersonide. Il semble avoir douté des miracles, qu’il aurait bien voulu supprimer totalement dans la Bible. Par contre, il défendit éloquemment, et par des arguments philosophiques, le libre arbitre. Arrivé à un âge avancé, il voulut retourner de Soria dans son lieu de naissance, de l’autre côté des Pyrénées, quand la mort le surprit.
À l’époque où les philosophes juifs Gersonide et Vidal Narboni essayaient de concilier la prescience divine avec la notion du libre arbitre, un problème autrement grave aurait dû s’imposer à leur attention. Ils auraient pu se demander pourquoi la Providence faisait peser une destinée si tragique sur les descendants de Jacob et les condamnait à vider le calice jusqu’à la lie. Leurs souffrances précédentes comptent à peine devant l’horrible catastrophe qui