Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/288

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du mois de mai). De là, le mouvement s’étendit dans la Catalogne et l’Aragon. À Barcelone, la populace avait déjà tué vint Juifs et pillé de nombreuses maisons, quand les notables de la ville se réunirent pour défendre leurs malheureux concitoyens. Aidés par un épouvantable orage, qui éclata à ce moment, ils réussirent à disperser la horde des pillards et des assassins.

Quelques jours plus tard, les mêmes scènes se répétèrent à Cervera. Dix-huit Juifs périrent, les autres prirent la fuite. Dans tout le nord de l’Espagne, les communautés juives s’attendaient à être attaquées ; elles instituaient des jeûnes publics, imploraient la miséricorde divine et se barricadaient dans leurs quartiers. Dans l’Aragon, les classes élevées essayèrent de protéger les malheureux Juifs. Ceux-ci trouvèrent également un appui auprès de Clément VI, ce pape qui avait fait traduire en latin les livres d’astronomie de Gersonide. Clément VI promulgua une bulle (au commencement de juillet) par laquelle il interdit, sous peine d’excommunication, de tuer les Juifs en l’absence d’une condamnation régulière, de les baptiser de force ou de les piller. Peut-être cette bulle eut-elle quelque efficacité dans le sud de la France, mais elle n’eut aucune action sur la reste de la chrétienté. La contagion de l’exemple l’emporta sur tout.

Les délicieux environs du lac de Genève devinrent également le théâtre de sanglants désordres. Sur l’ordre du duc Amédée de Savoie, plusieurs Juifs, accusés du crime d’empoisonnement, furent incarcérés à Chillon et à Chatel. À Chillon, les inculpés furent soumis à la torture ; sous l’action de la douleur, ils avouèrent tout ce qu’on voulut.

Un de ces malheureux, du nom d’Aquet, multiplia même ses aveux jusqu’à l’exagération. Il déclara qu’il avait empoisonné des puits à Venise, en Apulie, dans la Calabre et à Toulouse. Ces déclarations furent consignées par les secrétaires dans leurs procès-verbaux et contresignées par les juges. Pour donner plus de valeur aux paroles du supplicié, les juges ajoutèrent qu’on ne lui avait appliqué la torture que très légèrement. À la suite de ces aveux, on brûla non seulement les inculpés, mais tous les Juifs des environs du lac de Genève.

De Genève, le bruit se répandit bientôt dans toute la Suisse