Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/289

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qu’on avait enfin des preuves certaines de la culpabilité des Juifs. Les consuls de Berne tirent venir de Genève les procès-verbaux des débats, torturèrent à leur tour quelques Juifs, leur arrachèrent des aveux et firent brûler tous les Juifs de la ville (en septembre). Ils informèrent ensuite de leur prétendue découverte les villes de Bâle, de Fribourg, de Strasbourg et de Cologne. De nouveau, le pape Clément VI publia une bulle pour déclarer les Juifs innocents du crime qu’on leur imputait, de nouveau il invita le clergé à les protéger et prononça l’anathème contre les faux accusateurs et les bourreaux (septembre). Peine perdue ! L’Église, qui avait déchaîné les passions, ne pouvait plus les réprimer ; le pape n’était plus obéi.

Les massacres prirent un caractère de sauvagerie tout particulier dans le saint empire germano-romain. En vain le nouvel empereur, Charles IV, chercha à s’interposer. Son autorité eût-elle été alors mieux assise en Allemagne qu’elle ne l’était en réalité, il n’aurait quand même pas été écouté. Malgré la remarque d’un honnête chroniqueur de ce temps, qui dit que le vrai poison qui tua les Juifs, ce furent leurs richesses, les Allemands ne persécutèrent pas seulement les Juifs pour s’emparer de leurs biens. C’est dans toute l’innocence de leur stupidité, et avec une ferme conviction, qu’ils croyaient qu’il avait été très facile aux Juifs d’empoisonner le Rhin, le Danube, les rivières, les sources, les fontaines et les citernes de l’Allemagne. Selon eux, ce que Jacob a Paskate et Rabbi Peyret avaient fait en Suisse et en Savoie, Moïse de Mayence l’accomplit en Allemagne. C’est lui qui aurait fourni le poison à ses coreligionnaires. Dans bien des villes, on alla jusqu’à entourer de murs les puits et les fontaines pour empêcher les habitants d’en approcher, et on les contraignit à boire de l’eau de pluie ou de la neige fondue.

Il se rencontra pourtant quelques hommes assez intelligents pour comprendre l’absurdité de ces accusations et assez courageux pour le proclamer. Leurs noms méritent d’être signalés. C’étaient les magistrats de Strasbourg, le bourgmestre Conrad de Wintertur, l’échevin Gosse Sturm et Pierre Schwarber. Ces hommes de cœur multiplièrent leurs efforts pour faire éclater à tous les yeux l’innocence des Juifs et les défendre contre les attaques de la foule et