de rendre les Juifs responsables des calamités publiques ou des profanations d’hostie ; et enfin, d’autoriser les Juifs à juger eux-mêmes les affaires pénales, afin qu’ils pussent châtier les traîtres et les dénonciateurs qui se rencontreraient parmi eux. Les délégués devaient également être munis de pleins pouvoirs pour agir dans l’intérêt général des communautés et défendre auprès des cortès la cause de leurs coreligionnaires. Ces délégués devaient être ainsi choisis : deux pour l’Aragon, deux pour la Catalogne, un pour Valence et un pour Majorque.
Lorsqu’il s’agit de mettre ce plan à exécution, on ne put s’entendre. Du reste, il aurait été difficile d’obtenir un résultat sérieux. On aurait bien pu faire comprendre au pape et aux princes que les Juifs n’avaient jamais empoisonné de puits, mais le peuple était absolument convaincu que les Juifs poursuivaient l’extermination des chrétiens, et, après la peste noire, il les croyait capables de tous les crimes. Ainsi, dans cette légende où un débiteur autorise son créancier à couper une livre de chair sur son corps s’il ne le rembourse pas au jour de l’échéance et où le créancier veut user de son droit, les héros de l’histoire, racontée diversement, avaient été jusqu’alors un suzerain et son vassal ou un noble et un roturier. Mais quand la peste noire eut surexcité la haine contre les Juifs, un auteur italien, Giovanni Fiorentino, donne le rôle odieux à un Juif. Dans son récit, c’est un Juif de Mestre qui veut couper une livre de chair sur le corps de son débiteur de Venise, pour avoir la satisfaction de faire mourir un chrétien.
Et pourtant, malgré sa haine pour eux, la population chrétienne tenait absolument à ce qu’il y eût des Juifs au milieu d’elle. Princes, villes et même ecclésiastiques voulaient avoir des Juifs. Bourgeois et échevins oublièrent bien vite qu’ils avaient juré solennellement de tenir les Juifs éloignés de leurs villes pendant un ou deux siècles. L’évêque d’Augsbourg sollicita de l’empereur Charles IV l’autorisation d’installer des Juifs sur ses domaines. Les Électeurs de l’empire, notamment Gerlach, archevêque de Mayence, demandaient que le souverain n’eut plus seul le droit de posséder des serfs de la chambre, mais qu’il partageât ce droit avec eux. Aussi, à la diète de Nuremberg (novembre 1355), où fut promulguée, sous le nom de Bulle d’or, une sorte de Constitution de