Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’empire allemand, le monarque, en conférant aux Électeurs de l’empire quelques droits régaliens, comme ceux d’acquérir des mines de métaux et des salines, les autorisa en même temps à avoir des Juifs en pleine propriété, c’est-à-dire à posséder une source de revenus en plus. C’est ainsi que les Juifs étaient à la fois repoussés et recherchés, dédaignés et désirés. Nais ils savaient bien qu’on ne les appréciait que pour les ressources qu’on pouvait tirer d’eux. Quoi d’étonnant alors que devant cette preuve manifeste qu’ils ne pouvaient défendre leur misérable existence que par l’argent, ils fussent si ardents à en gagner !

En France également, d’où les Juifs avaient été expulsés, des motifs financiers faisaient désirer leur retour. Par suite des désastres de la guerre de Cent ans et de la captivité du roi Jean (septembre 1356), il régnait dans ce pays une misère épouvantable. On manquait surtout d’argent. C’est alors que le jeune dauphin Charles, qui exerçait la régence pendant la captivité du roi, songea, dans l’intérêt de la France, à avoir recours à l’habileté financière des Juifs. Un des Juifs les plus intelligents de cette époque, Manessier (Manecier) de Vesoul, négocia le retour de ses coreligionnaires en France, d’où ils avaient été chassés cinquante ans auparavant, puis rappelés, puis de nouveau exilés. Par un édit daté de mars 1360, Jean II, d’accord avec le haut et le bas clergé, la haute et la basse noblesse et la bourgeoisie, permit à tous les Juifs de s’établir en France et d’y séjourner pendant vingt ans. Ils avaient droit de résidence dans les grandes et les petites villes, dans les bourgs et les hameaux, et pouvaient acquérir des maisons et des champs. En échange de ces droits, ils devaient payer une taxe d’entrée de quatorze florins par chef de famille et d’un florin pour chaque membre, et, de plus, sept florins par on et par feu et un florin pour chaque membre de la famille. Pour les défendre contre l’arbitraire des juges et des fonctionnaires et contre les violences de la noblesse et du clergé, on les plaça sous la protection spéciale d’un prince du sang, et un tribunal, composé de deux rabbins et de quatre assesseurs, était autorisé à exercer sur eux, sans appel, la juridiction civile et pénale. On ne pouvait pas les contraindre à assister à un office ou à un sermon dans l’église. Non seulement leurs biens mobiliers, bétail, blé, vin,