Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/297

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Raschi jusqu’aux derniers tossafistes, il se trouva à peine quelques rares talmudistes parmi les Juifs qui revinrent dans ce pays. Les privilèges accordés aux Juifs par le roi Jean II et Charles V disaient bien que les rabbins étaient chargés de juger leurs coreligionnaires, mais parmi ces rabbins, d’après le témoignage même des contemporains, il ne se rencontra que cinq talmudistes passables et un seul qui fût éminent. C’était Matatia ben Joseph Provenci. Pour implanter de nouveau les études talmudiques en France, il créa une école à Paris, réunit de nombreux disciples autour de lui, et comme les exemplaires du Talmud avaient été détruits précédemment en grande partie, il en fit copier de nouveaux. C’est aussi lui qui donnait l’ordination aux rabbins. Il jouissait auprès de Charles V d’une telle considération qu’il fut exempté, ainsi que sa famille, du port infamant de la rouelle, placé comme chef religieux à la tête des Juifs de France et nommé juge suprême des tribunaux juifs.

En Allemagne, aussi, les massacres et les expulsions de 1349 eurent les plus fâcheuses conséquences pour le recrutement des rabbins. Les plus remarquables d’entre eux avaient été égorgés ou chassés. Il arrivait qu’on confiait la direction des communautés à des rabbins sans vocation et sans instruction. Pour remédier à cet état de choses, un savant distingué, Meïr ben Baruch Hallévi (vers 1370-1390), de Vienne, établit un règlement en vertu duquel on ne permettait d’exercer les fonctions rabbiniques, c’est-à-dire d’acquérir la dignité de Morênou, qu’à ceux qui y auraient été autorisés par un rabbin compétent.

Ce fut sous la pression des circonstances, et non pas par pur caprice, que Meïr de Vienne promulgua son règlement. La science talmudique était, en effet, alors en pleine décadence, la chaîne, des traditions avait été interrompue par la période néfaste de la peste noire et, pour bien des questions, les rabbins ne savaient plus comment procédaient leurs prédécesseurs. De là, des divergences et des contradictions, à un tel point que les rabbins des provinces rhénanes durent convoquer un synode pour s’entendre sur quelques articles du droit matrimonial et remettre en vigueur d’anciennes ordonnances. À l’assemblée de Mayence (1381), un certain nombre de rabbins, de concert avec plusieurs chefs de communauté,