Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/302

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quoi devait consister ce bien. Tout en protégeant les Juifs contre la malveillance, en les appelant à des emplois publics et en leur fournissant l’occasion de s’enrichir, il ne sut cependant pas leur être utile comme Hasdaï ibn Schaprout et Samuel ibn Nagrela. Il ne paraît pas non plus s’être intéressé à la science ou à la poésie. Car s’il fit construire des synagogues dans plusieurs villes de la Castille, il ne fonda pas une seule école pour l’enseignement du Talmud.

La magnifique synagogue qu’il éleva à Tolède et qui, transformée en église, est encore aujourd’hui un des plus beaux ornements de la ville, est construite dans un style mi-gothique, mi-moresque. Au milieu de fines arabesques, ressort, sur fond vert, le psaume 80e écrit en caractères hébreux. Sur les murs des côtés nord et sud se lisent des inscriptions qui célèbrent les mérites du prince Samuel Lévi ben Meïr. La communauté y témoigne sa reconnaissance à Dieu, qui n’a jamais retiré sa protection à son peuple et a suscité des hommes capables de le délivrer de ses ennemis. Il est vrai qu’il n’y a plus de roi en Israël, mais Dieu a fait trouver grâce à un homme de son peuple aux yeux de Don Pedro, et ce souverain l’a élevé au-dessus de tous les grands de son royaume, l’a nommé son conseiller et lui a décerné des honneurs presque royaux. Le nom de Don Pedro est écrit en très grands caractères pour faire constater d’une façon en quelque sorte palpable combien ce monarque était bienveillant pour les Juifs. À la fin de l’inscription, on exprime le vœu que Samuel puisse encore assister à la restauration du temple de Jérusalem et y prendre part au culte divin, avec ses fils, en qualité de lévites.

Par une coïncidence singulière, l’année même où cette synagogue fut achevée avait été désignée un siècle auparavant par l’astronome Abraham ben Hiyya et le cabaliste Nahmani, et, un peu plus tard, par le philosophe Léon de Bagnols, comme devant ouvrir l’ère messianique. Le Messie attendu n’étant pas venu à l’époque prédite, de nombreux Juifs, inébranlables dans leurs espérances, voyaient dans la situation élevée de Samuel et d’autres favoris juifs une preuve certaine que les temps messianiques étaient proches. Ces croyances pouvaient être dangereuses. Aussi