Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/318

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à la lutte de Don Pedro et de Henri de Transtamare, et aussi à cause de l’exécution de Joseph Pichon, si aimé à Séville.

Un jour (15 mars 1391), Martinez alla même jusqu’à conseiller ouvertement à la foule réunie sur une place publique de tomber sur les Juifs. Ses conseils furent promptement suivis. Les autorités, sous la direction du chef de la police (alguacil mayor) et de deux juges, s’interposèrent en faveur des Juifs et firent châtier deux des meneurs. Cette intervention ne servit qu’à surexciter la colère de la populace, qui tua quelques Juifs et menaça même de mort le chef de la police. Dans la crainte de voir les désordres prendre un caractère plus grave encore, plusieurs Juifs implorèrent le Conseil de régence du jeune roi Henri III de prendre immédiatement des mesures très sévères. Sur l’ordre du souverain, toute la noblesse se leva pour défendre les Juifs ; pour cette fois, l’émeute fut vaincue.

Ce ne fut malheureusement qu’un succès momentané. Fort de la désunion qui régnait parmi les conseillers du roi et de l’état troublé du pays, Martinez continua impunément ses dangereuses prédications. Elles portèrent de nouveau leurs fruits. Trois mois après ces premiers excès, la populace de Séville se rua sur le quartier juif, y mit le feu et accomplit en toute sécurité son œuvre de destruction. La belle communauté de Séville, qui comptait sept mille familles, disparut presque tout entière. Quatre mille personnes tombèrent sous les coups des émeutiers, le reste accepta le baptême. Des femmes et des enfants furent vendus à des mahométans comme esclaves. Deux synagogues furent transformées en églises.

De Séville, les massacres se propagèrent dans une grande partie de l’Espagne. On tuait les Juifs par fanatisme, mais surtout par cupidité. Après Séville, ce fut le tour de Cordoue, le berceau du judaïsme espagnol ; une partie de la communauté fut tuée, les autres se baptisèrent. À Tolède, parmi les nombreux martyrs juifs périrent également les descendants d’Ascheri. Juda ben Ascher II, arrière-petit-fils d’Ascheri, qui habitait Burgos mais se trouvait à Tolède au moment de cette explosion de fanatisme, égorgea d’abord sa femme et sa belle-mère et se tua ensuite lui-même. Là aussi, une partie de la communauté se convertit au christianisme. Près