Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/322

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soumis à la question par une commission composée d’ecclésiastiques et de juristes, déclarèrent, sous l’influence de la douleur, 41u’ils avaient conseillé à Denys Machault de retourner au judaïsme. En punition de ce crime, ils furent condamnés à être brûlés vifs. Le Parlement apporta une certaine atténuation à cette sentence, en décrétant que les coupables seraient fouettés sur trois places publiques de Paris et resteraient en prison tant qu’on n’aurait pas retrouvé Denys Machault. Celui-ci retrouvé, on confisquerait leurs biens et on les chasserait de France.

Cette affaire, racontée partout, prit des proportions énormes aux yeux du peuple, qui en voulut encore plus aux Juifs. Ecclésiastiques et laïques demandèrent alors avec insistance au faible Charles VI et à ses conseillers d’expulser les Juifs de France. Enfin Charles VI céda et prononça un arrêt d’exil contre tous les Juifs de son royaume (17 septembre 1394). Cet arrêt fut promulgué, peut-être avec intention, le jour de l’Expiation, pendant que les malheureux Juifs étaient au temple, priant et jeûnant. Pour justifier cette expulsion, qui était contraire à une clause de la convention intervenue entre les Juifs et le roi, on les accusa d’avoir outragé le christianisme et outrepassé leurs privilèges, en d’autres termes, d’avoir engagé un Juif baptisé à revenir à son ancienne foi et prélevé de trop gros intérêts. Il leur était interdit dorénavant de résider ou de séjourner dans aucune partie de la France, soit dans les pays de langue d’oïl ou dans les pays de langue d’oc.

Voilà donc les Juifs condamnés encore une fois à quitter la France, quatre-vingt-dix ans après qu’ils en avaient été proscrits par Philippe le Bel. Charles VI les traita cependant moins durement que son aïeul, il leur accorda un délai pour faire rentrer leurs créances, donna ordre au prévit de Paris et aux gouverneurs des provinces de les protéger dans leurs biens et leurs personnes, et chargea des officiers de les accompagner jusqu’à la frontière pour les défendre contre toute attaque. Ils ne partirent de France qu’à la fin de 1394 ou au commencement de 1395.

Bien des seigneurs et des villes protestèrent contre l’expulsion des Juifs. Le comte de Foix ne laissa partir les Juifs de Pamiers que sur l’ordre exprès des officiers royaux. À Toulouse, il resta douze familles juives, et sept aux environs ; elles ne purent