Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/324

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aimer le christianisme aux nouveaux convertis. Aussi, beaucoup d’entre eux se rendirent dans les pays maures voisins ou passèrent la mer pour aller s’établir à Alger, à Maroc ou à Fez, dont les habitants étaient alors plus tolérants et plus équitables à l’égard des Juifs que les chrétiens et comprenaient quels importants services les nouveaux arrivants rendraient au pays par leur activité et leurs richesses.

Le plus grand nombre avait cependant dei rester en Espagne. Mais s’ils professaient en apparence le catholicisme, ils continuaient à pratiquer en cachette les rites juifs, avec l’assentiment tacite des souverains de Castille, d’Aragon et de l’île Majorque, qui n’avaient nullement approuvé les violences exercées envers les Juifs pour les amener au baptême. Les autorités ne voyaient rien ou faisaient semblant de ne rien voir, et l’Inquisition ne fonctionnait pas encore en Espagne. Mais le peuple ne se trompait pas sur les sentiments intimes de ces convertis, il savait qu’au fond du cœur ils étaient restés attachés aux croyances de leurs ancêtres, et il appelait ces nouveaux chrétiens Marranes ou excommuniés, damnés ; il les haïssait encore plus que les Juifs.

Il témoignait la même aversion pour une autre catégorie de convertis, qui, eux, étaient, au contraire, très contents d’avoir abandonné le judaïsme, estimant, dans leur avidité de jouir, que les plaisirs, les richesses et les honneurs valaient mieux que toute religion, ou se sentant heureux, dans leur scepticisme d’hommes lettrés, d’être délivrés de ce qu’ils considéraient comme des entraves. Cette classe de renégats qui, déjà avant leur apostasie, n’avaient plus aucun attachement pour le judaïsme et n’étaient restés juifs que par une sorte de pudeur, ceux-là étaient loin d’en vouloir à leurs persécuteurs de leur avoir imposé le baptême. Ils se couvraient du masque du christianisme, pratiquaient même parfois leur nouvelle religion avec un zèle exagéré, sans être devenus ni plus croyants, ni meilleurs. Il s’en trouvait même parmi eux qui étaient assez lâches pour essayer de rendre ridicules le judaïsme et ses adeptes, ou pour porter contre leurs anciens coreligionnaires les plus odieuses accusations. Les Juifs que les persécutions n’avaient pas pu détacher de leur foi étaient raillés et calomniés en prose et en vers. C’est ainsi que Don Pedro